Ouvrir les sodas

Le 18 juin 2012

De la transparence dans les sodas. Associé à Owni et Terra Eco, le site OpenFoodFacts, consacré à l'ouverture des données dans l'alimentaire, lance une grande opération de recueil des données sur les sodas et leurs ingrédients - pas toujours recommandables. Tous les citoyens sont invités à participer.

L’Open Data est en passe de se démocratiser et peut surtout se décliner à l’envi dans plus ou moins n’importe quel domaine, touchant l’intérêt général.

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Mais il est une base de données qui n’existe pas et qui concerne en moyenne trois fois par jour la majorité des terriens : celle sur l’alimentation et les composants de produits transformés – appelés unanimement ingrédients sur les étiquettes des produits que nous consommons chaque jour. Loin des stratégies de com’ des géants du secteur, Open Food Facts a décidé d’ouvrir la porte de l’Open Data alimentaire. Et de constituer une des bases les plus complètes en matière d’information nutritionnelle et de composition des aliments, consultable et exportable pour une exploitation exhaustive des données, en toute liberté.

Récoltées

Pour l’alimentation, Open Food Facts a décidé d’entamer sa première opération avec l’agrégation de données sur la composition des sodas. Une collecte de données se déroule à partir de ce lundi et jusqu’au 24 juin. Elle a pour but de répertorier toutes les données relatives aux différents sodas pour qu’Owni puisse réaliser une datavisualisation. Par exemple, votre soda a-t-il la même composition qu’il soit acheté dans les DOM-TOM ou en métropole ? En fonction du lieu de production ? Quels additifs chimiques y trouve-t-on ? En quelles quantités selon la législation en vigueur ?

Jean-Marc Ayrault, notre nouveau Premier ministre, a déterminé des valeurs déontologiques à respecter par les ministres. L’Open Data en fait partie, de manière explicite. Pourrions-nous rêver à ce que le ministère de l’agriculture et celui de la santé trouvent un intérêt à suivre cette belle intention et permettent une ouverture des données plus fringante que par le passé ? Les bases de données concernant les additifs, les composants naturels et le reste pourraient alors être rendus publiques et exploitables. Pour le bien commun.

Cordiale

L’industrie agro-alimentaire a ce défaut qu’elle est plus opaque que le nucléaire. En atteste la base de données de l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali) créée en février 2008, et dont l’équipe – cordiale – de communication a répondu à Owni, il y a quelques semaines :

Bonjour,

La base de données Oqali n’est pas accessible librement. En revanche, des informations sur la base Oqali, son contenu et plus généralement sur le projet sont consultables sur le site internet : www.oqali.fr, dans les rubriques “Base de données Oqali”, “Partenaires”…

Bien cordialement,

L’équipe Oqali

Les partenaires du programme sont visibles sur le site d’Oqali mais la composition de chaque aliment n’est pas publique. Et donc encore moins exploitable. Parmi ces partenaires, les grands groupes tels que Kellogs, Andros, Nestlé, Mars, Lu, Ferrero, Pepsico. Qui renseignent, outre la composition de leur produit, les nouveaux produits et ceux retirés de la vente.

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Les enjeux du projet d’Open Food Fact de collecter et rendre accessibles les données sur l’alimentation trouvent leur genèse dans le manque de transparence de cette industrie agroalimentaire. Sur Oqali, une simple phrase le précise : “Aucun accès aux données de la base Oqali n’est prévu pour le grand public.”

Digne de l’intérêt général et entrant dans le champs de la santé publique, l’accessibilité des données permet à tout citoyen de consulter la composition de ce qu’il ingère au quotidien. Et de faire un choix plus éclairé qu’il ne peut le faire sans cet outil. Rendre les données sur l’alimentation permet aussi dans une moindre mesure de prendre conscience que les relations entre industriels et décisionnaires de la santé alimentaire ne sont pas dénuées de conflits d’intérêts.

Récemment, Diana Banati, l’ancienne président de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), deux ans après le scandale soulevé par José Bové au Parlement européen sur ses relations avec le plus gros lobby mondial de l’agroalimentaire, l’International Life Sciences Institute (ILSI), a démissionné de son poste à l’EFSA. Pour … prendre des fonctions de direction à l’ILSI Europe.

Autre exemple, la Californie a rappelé à l’ordre Coca en mars dernier. Soupçonné d’introduire un caramel provocant des cancers et leucémies chez les rats, Coca n’a pas hésité à se défendre en s’appuyant sur une étude de l’EFSA, plutôt très liée avec l’ILSI. ILSI qui a été présidé entre 1978 et 1991 par l’un des vice-président de Coca-Cola.

Avec l’Open Data dans nos assiettes, les conflits d’intérêts ne seraient pas ramenés à zéro. Mais le choix d’un aliment au détriment d’un autre pourra se faire moins à l’aveugle qu’auparavant. Un pari auquel nous sommes sensibles, comme le rappelait récemment sur son data blog l’équipe des journalistes de données d’Owni :

Grâce à cette conscience collective et par le fait de la fabuleuse interconnectivité permise par internet, des données éparpillées balisant le quotidien de l’humanité se constituent, des réflexes de nomenclatures complexes voient le jour, le grand catalogue des faits s’enrichit dans un mouvement silencieux et continu. Chacun se prend au jeu de l’accès libre aux données, encouragé par l’impression commune qu’internet est le porte-drapeau de la liberté et de la gratuité. Le sentiment diffus que les informations appartiennent à tous, comme une deuxième lame de la glasnost gorbatchevienne, conduit aujourd’hui à une véritable popularisation du concept de libération des données publiques (“Open Data“) et privées, premier étape/étage de la transformation générale vers une démocratie – ou gouvernance – ouverte (“Open Gov“). Dont le journaliste de données est par essence et par usage un fervent militant.


Pour suivre l’opération sur Facebook : par ici.

Photo par Thomas Hawak [CC-bysa] via da galerie Flickr

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