Le Conseil d’État ratiboise Monsanto
Dans les semaines à venir, le Conseil d'État devrait remettre en cause le RoundUp Express, le pesticide vedette du groupe Monsanto. Largement vendu aux particuliers, depuis plusieurs années, les effets secondaires de l'un de ses adjuvants n'ont jamais été testés, comme l'exige pourtant le droit.
Ce 13 février, un agriculteur a obtenu gain de cause au Tribunal de grande instance de Lyon dans son combat contre la firme américaine Monsanto. La firme, qui fait appel, a été déclarée responsable de l’intoxication de cet exploitant qui avait inhalé accidentellement le pesticide Lasso.
Au même moment Monsanto est la cible de plusieurs requêtes devant le Conseil d’État, demandant l’abrogation de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de trois de ses produits. Le même jour, 13 février, dans l’une de ces procédures, le rapporteur public du Conseil d’État s’est prononcé contre l’un des pesticides les plus distribués en France, le RoundUp Express.
Le rapporteur a ainsi suivi les demandes de Jacques Maret, un agriculteur charentais anti-OGM et du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) concernant l’un des trois produits “phytopharmaceutiques” de la gamme RoundUp.
Dans ses conclusions, le rapporteur public estime que l’abrogation de l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Express est bien-fondée.
Acceptables
En juin 2009, par courrier adressé au ministre de l’Alimentation de l’Agriculture et de la Pêche, le MDRGF avait réclamé l’annulation de cette autorisation et le retrait de la mention “emploi autorisé dans les jardins” sur les étiquettes du pesticide. Le 14 octobre 2009, le ministre Bruno Lemaire répondait que les allégations contre Monsanto ne pouvaient être recevables pour remettre en question ce produit. Stipulant que :
Les risques pour l’homme et l’environnement liés à l’utilisation de la préparation RoundUp Express pour les usages demandés en jardins d’amateurs sont considérés comme acceptables.
Déterminés, le MDRGF et Jacques Maret décidaient d’aller plus loin et de saisir les magistrats du Conseil d’État pour qu’ils examinent leurs griefs contre le désherbant.
L’avis du rapporteur près du Conseil d’État sur le RoundUp Express se fonde sur des problèmes objectifs, observés dans sa procédure d’homologation passée. Un motif qui laisse songeur. Jadis, le désherbant n’aurait pas été sérieusement évalué. Un représentant de la haute juridiction nous explique :
C’est en raison d’une erreur de droit commise lors de la procédure d’évaluation préalable du produit par l’administration. Dans l’avis qui a précédé la décision du ministre d’autoriser la commercialisation de ce produit, l’AFSSA (devenu ANSES) ne s’est pas expliquée sur la présence et le rôle dans le produit d’une des substances qui le composent ; cela ne signifie pas que la substance en question ou son association avec les autres composants du produit est dangereuse. Mais c’est une substance qui peut produire un effet propre sur les végétaux. Le rapporteur public propose de juger que l’AFSSA devait, afin d’éclairer le ministre, en faire état de manière explicite.
Étiquette
Le principe actif du RoundUp Express est une molécule : le glyphosate. Pour que ce glyphosate pénètre dans la plante, il lui faut un adjuvant. Cet adjuvant, l’acide pélargonique, est classé par l’Union européenne comme une substance active à inscrire dans la liste des composants du produit. Par l’AFSSA également. Mais ce qui n’est pas précisé sur les étiquettes du produit [PDF]. Premier manquement pour les défendeurs.
Surtout, pour les détracteurs de Monsanto, jamais le mélange adjuvant et détergent n’a été testé. Jacques Maret illustre par l’exemple :
Sans cet adjuvant, c’est un peu comme si on vous proposait un vaccin sans aiguille et sans seringue. Ni mentionné, ni testé. Pourtant une directive européenne oblige que le test soit complet et pas uniquement la molécule détergente. Chez Monsanto, on nous répond que la molécule est juste là pour accompagner le détergent.
Sur la fiche technique du RoundUp Express chez Monsanto [PDF], la molécule adjuvante – l’acide pélargonique – est étrangement présentée une substance active du mélange. François Veillerette, porte-parole de Générations Futures précise :
Sur le RoundUp express, nous avons eu la possibilité de voir qu’il y avait de l’acide pélargonique dans la composition. Classé matière active par la Commission européenne. Et donc à tester au même titre que le reste.
Toxicité non évaluée, certes, mais “c’est aussi le mélange qui doit être testé”, martèle Jacques Maret, en ajoutant que “la toxicité du RoundUp Express peut être immédiate et à long terme. Elle peut provoquer des malformations embryonnaires selon une étude aux Etats-Unis chez les femmes et enfants d’agriculteurs OGM-Monsanto, qui a observé des malformations et modifications hormonales.” Si, au final, les juges du Conseil d’État suivent les recommandations et l’avis de leur rapporteur public, le ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche aura l’obligation de réexaminer l’autorisation de mise sur le marché du pesticide, dans les six mois suivant l’arrêt rendu par le Conseil.
Nous avons sollicité le groupe Monsanto dans le cadre de cet article, sans succès.
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