L’avortement et son dégradé de lois dans l’Europe chrétienne

Le 25 juillet 2011

Les pays de l'UE ne pratiquent pas la même règlementation en matière d'interruption volontaire de grossesse. État des lieux et cartographie.

De plus en plus, en France et en Europe, on évoque les « racines chrétiennes » de notre vieux continent. Racines chrétiennes qui sont souvent montrées comme ayant enrichi culturellement nos pays, mettant de côté les aspects plus contraignants de la religion : les difficultés liées au droit à l’IVG en sont des témoins plus qu’éloquents.
En effet, on remarque des inégalités flagrantes en ce qui concerne l’accession à l’IVG, souvent reliées au poids de la religion.


Afficher Législation de l’interruption volontaire de grossesse en Europe sur une carte plus grande

Entre délais permissifs et prohibition totale

Il n’existe aucune harmonie européenne, malgré de vaines volontés de la part de Bruxelles, en ce qui concerne le délai autorisant l’interruption volontaire de grossesse. La plupart des lois en la matière ont fleuri pendant les années 1970 en Europe de l’Ouest.

L’Est de l’Europe, la Roumanie exceptée, était soumise au régime de l’URSS : avortement légal jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée (absence de menstruations). Aujourd’hui, la plupart des pays européens autorisent l’avortement d’après la seule volonté de la femme, entre 10 et 24 semaines depuis les dernières menstruations.

Certains pays résistent, d’une certaine manière, à ce qui est considéré aujourd’hui comme un progrès certain pour les droits des femmes, au premier rang desquels on trouve la Pologne, l’Irlande et Malte. Dans ces trois pays, l’imprégnation de l’Église catholique est certaine et pourrait expliquer cette interdiction : la loi polonaise mettant en place cette prohibition date de 1989, chute du régime soviétique.

Malte fait partie de ces pays qui ont encore une religion d’État, le catholicisme romain. Enfin, l’Irlande est un pays très catholique, qui a même fait inscrire dans sa Constitution en 1983 un article pour la protection de la vie de l’embryon, sauf en cas de danger de mort pour la mère. Par ailleurs, Chypre n’autorise l’avortement qu’en cas de viol ou de danger certain pour la mère ou l’embryon.

En 2005, lors de leur adhésion à l’Union européenne, la Pologne et Malte avaient même tenté de faire inscrire dans le traité d’accession signé avec les Quinze une déclaration rendant immuable l’interdiction, chez eux, de l’avortement. Les autres pays ont refusé.

Un accès semé d’embûches

Malgré toutes ces lois facilitant l’accès à l’avortement, il reste difficile, dans les faits, d’accéder à l’avortement. L’éducation à la sexualité est souvent insuffisante et l’accompagnement psychologique avant et après un avortement (qui n’est pas un acte anodin) n’est pas monnaie courante.

En octobre 2010, le Conseil de l’Europe a voulu réglementer le droit à l’objection de conscience, provoquant une levée de boucliers de la part des associations pour la vie et chrétiennes, notamment. Finalement, le projet a été abandonné. Il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle de moins en moins de soignants sont attirés par les services d’IVG, ce qui remet clairement en cause, de manière concrète, la possibilité de recourir à une IVG dans les délais légaux. En effet, si aucun médecin ne peut pratiquer l’opération ou prescrire la pilule abortive (jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée), avorter peut devenir un parcours de la combattante.

Profiter de l’espace Schengen

Lorsque le délai est dépassé dans son pays, une femme peut profiter des frontières ouvertes et aller avorter à l’étranger. Ainsi, environ 20.000 Irlandaises viennent chaque année au Royaume-Uni pour bénéficier d’un avortement.

En France, c’est souvent en Espagne que vont les femmes en détresse qui ont dépassé les 12 semaines autorisées depuis l’amendement à la loi Veil de 2001. L’Espagne a, depuis 2010, une loi autorisant l’avortement sans aucun délai. Cependant, il faut quand même un voire plusieurs avis médicaux pour avorter quand la grossesse est avancée.

L’Union européenne n’a aucune compétence pour légiférer sur une harmonisation autour des lois sur l’avortement. Pourtant, dans une résolution du 3 juillet 2002, le Parlement européen recommande la légalisation aux États membres. Les « racines chrétiennes » de l’Union européenne ne semblent pas pouvoir empêcher le recul des législations favorables à l’interruption volontaire de grossesse.

France : entre modernisation et manque d’information

En ce qui concerne la France, l’avortement est autorisé depuis l’amendement porté par Martine Aubry en 2001 jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée, soit 12 semaines de grossesse. En 2006, le site de l’Institut national d’Études démographiques (INED) recense 215 390 avortements dans l’année, d’après les statistiques hospitalières (à l’exclusion de l’interruption médicale de grossesse [IMG]).

Jusqu’alors, l’avortement était simplement “dépénalisé” grâce à la loi Veil de 1975. Par ailleurs, jusqu’en 2001, la femme était tenue de rencontrer un professionnel (psychologue, psychiatre, assistant-e social-e) avant l’IVG pour discuter de son choix et le confirmer ou non. La loi Aubry casse cette obligation : en fonction des centres IVG il est donc désormais possible qu’aucune aide ni suivi ne soit proposé.

Il existe deux techniques d’avortement : par voie médicamenteuse ou par aspiration. La première est possible jusqu’à 5 semaines de grossesse, soit 7 semaines d’aménorrhée. Depuis 2004, un médecin généraliste de ville peut procéder à cette IVG et prescrire la pilule dite “abortive” (il y a en fait deux comprimés) à son cabinet.

Entre 5 et 12 semaines de grossesse, il est question d’une intervention pratiquée en hôpital ou centre IVG, l’aspiration. La femme, bien que devant motiver sa “situation de détresse”, est considérée responsable et fait le choix, avant la fin de la 5e semaine de grossesse, de la technique pour son IVG.

La France tend donc à se moderniser par rapport à l’IVG mais il demeure un point difficile à défendre: les chiffres en matière d’IVG sont quasiment hors de portée, permettant au flou autour de ce sujet de fournir une base aux prétendus savoirs de bien des détracteurs de l’avortement, les fameux “pro-vie,” dont voici une vidéo :

Publié initialement sur Le Taurillon sous le titre L’avortement en Europe

Retrouvez notre dossier sur l’avortement :
Poussée républicaine contre l’avortement
L’avortement aux Etats-Unis: un débat graphique

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