La musique comme simple produit d’appel?

Le 30 août 2010

Quel est l’avenir de la création musicale ? Voilà la question qui turlupine les personnes qui, comme moi , espèrent ne pas avoir à pointer à Pôle Emploi d’ici quelques mois ou quelques années.

Quel est l’avenir de la création musicale?

Voilà la question qui turlupine les personnes qui, comme moi , espèrent ne pas avoir à pointer à Pôle Emploi d’ici quelques mois ou quelques années. C’est d’ailleurs ce que prédisait déjà le prophète Thom Yorke. Enfin bon, tout dépend dans quelle partie du verre on se retrouve. Il y a ceux qui respirent encore et qui se disent qu’il y a encore vachement d’air. Et puis il y a les autres. Ceux qui s’y sont déjà noyés depuis longtemps. C’est vrai que le disque se casse la gueule. En dehors des concerts à 120 euros le billet, la grande majorité des salles de concert se vide.

Alors, on a vu une multitude de solutions intéressantes, innovantes, ou parfois même assez flippantes, voir le jour. Il semble, cela dit, que toutes ces expérimentations, qui seront peut être les business models de demain, se rejoignent sur un point : la valeur de la musique diminuerait petit à petit pour n’avoir presque plus qu’une simple valeur de produit d’appel.

Vous savez… les produits d’appel : ces produits souvent bas de gamme, vendus à bas prix. Ces produits sont utilisés par les commerçants afin d’attirer le client vers un point de vente bien particulier. Bon j’avoue… il arrive aussi que ce soit un produit de qualité sur lequel on pratique un tronçonnage du prix. Cette technique a pour principe une politique de faible marge qui pousse le client à s’intéresser à d’autres produits où la marge est, elle, nettement plus volumineuse (pas folle la guêpe).

Apple est à mon sens l’un des exemples les plus intéressants illustrant ce propos. Prenez iTunes par exemple. Loin de moi l’idée de dire qu’Apple sont de vilains méchants qui abusent de la crédulité des clients (quel commerçant ne l’a jamais fait?) et qu’ils tirent des profits juteux du business culturel … Non ! iTunes est bel est bien une plate-forme qui distribue de la musique (et maintenant des films) à bas prix, d’une qualité pas trop mauvaise. Mais quel intérêt tire ce mastodonte de la high-tech à vendre des produits qui aujourd’hui ne se vendent plus ou mal ? (par rapport aux années glorieuses de la musique enregistrée) Tout ! Effectivement, Apple semblent utiliser la musique et les biens culturels comme produits d’appels dans le simple but de vendre des iPod, des iPhones et maintenant des iPad. Et apparemment ça marche.

Et les artistes alors ?

Il semble que les artistes, dont beaucoup ont vu leurs revenus fondre comme neige au soleil, ont décidé de transformer et d’utiliser leur image publique comme véritable image de marque. Ils utilisent désormais leur musique, non plus comme source de revenus, mais comme produit visant à vendre d’autres produits à plus forte valeur ajoutée.

Le merchandising par exemple devient la principale source financière des artistes de musiques actuelles. Il n’y a encore pas si longtemps, on ne voyait que des CDs, des DVDs, et des tee-shirts sur les stands de merchandising (comme on dit quand on est vrai aficionado des salles de concerts)… la base quoi. Mais internet a permis à certains artistes de transformer leur propre site en véritable vitrine commerciale.

Prenez le groupe KISS par exemple. Leur boutique en ligne est certainement l’une des plus singulière en terme de revenus annexes. Le groupe a réussi un tour de force en utilisant leur image mondialement médiatisée. Connue depuis plus de 30 ans, cette dernière est devenue une marque à part entière. A voir la liste interminable d’objets et de produits proposés dans la boutique… Kiss n’est plus simplement un groupe, c’est carrément un hypermarché ! On peut désormais acheter du simple tee-shirt KISS, au vin KISS, au flipper KISS, et même au cercueil KISS (Dimebag Darell, le légendaire guitariste assassiné du groupe Pantera, est d’ailleurs « l’heureux propriétaire » d’un exemplaire. La classe !). Même Jónsi, surtout connu pour être le chanteur du groupe Sigur Rós vend désormais son propre chocolat !

Aussi très significative, l’opération dont la signature n’est pas inconnue : How to Destroy Angels, le nouveau side project de Trent Reznor avec sa propre femme. Il ont proposé à la sortie de leur premier EP une opération très Nine Inch Nailsesque. En effet, le fan pouvait télécharger l’album gratuitement et légalement contre une adresse email. Mais il pouvait aussi, contre une somme d’argent plus élevée (19 euros en moyenne), avoir le luxe de se payer un tee-shirt en plus de la musique gratuite. Pour vous dire, j’ai moi-même failli craquer.

Et sinon, êtes-vous l’heureux propriétaire des écouteurs Lady Gaga ?! Écoutez-vous votre musique Lady Gaga sur votre iPhone décoré aux couleurs Lady Gaga ? Moi non… mais j’aurais très bien pu. Il faut bien l’avouer, la jeune Stefani a fait de son personnage un véritable empire bien ficelé grâce à une stratégie web des plus convaincantes , avec toujours la musique comme base solide. Il n’y avait plus, pour elle, qu’à se baisser pour ramasser. Pour celle qui a fait de « son » image une véritable marque déposée, la création musicale semble être devenue un accessoire de second plan. Il paraît évident que Gaga ne cherche pas à faire du business musical à l’ancienne comme l’aurait fait un certain Mickael Jackson dans la fleur de l’âge… et surtout 20 ans auparavant. Non, la musique pour L-la blonde platine de 23 ans n’est que la simple fondation d’un immeuble immense fait de revenus annexes et de merchandising à profusion.

Mylène Farmer pourrait presque dire qu’elle lui a tout piqué !

Maynard James Keenan, le charismatique chanteur des groupes « Tool » et « A Prefect Circle », lui non plus ne semble plus vraiment croire au potentiel financier de sa création artistique. Et pourtant, le talent de ses groupes lui ont valu quelques millions d’albums vendus dans le monde entier et des tournées toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Keenan est apparemment un homme lucide. Après la sortie de l’excellent « 10 000 days », le chanteur décide de s’improviser viticulteur pour assurer à sa descendance un avenir et un héritage solide. Les royalties ne sont-elles donc plus suffisantes ? Le disque ne constitue-t-il plus une base solide de revenu ? Vraisemblablement non. Et d’ailleurs, non content d’avoir investi dans un domaine purement rentable, le vin, Maynard J. Keenan a monté en parallèle un projet multi-culturel, multi-média et multi-artistes du nom de Puscifer. Et Keenan ne s’en cache pas, pour lui Puscifer est aussi bien un projet musical qu’une ligne de vêtement, dont Adam Jones (guitariste et principal composteur de Tool) n’est que le simple designer.

Keenan et tous les autres artistes, bien que tous très talentueux, ne semblent justement ne plus croire que seul le talent leur assurera une carrière et une vie stable, ainsi qu’une retraite extravagante. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser et élargir leur gamme de produit ?

Loin de moi l’envie de tirer sur l’ambulance. Même si de telles directives n’améliorent en rien la situation presque précaire de l’industrie musicale, si elles permettent à nos artistes tant aimés de continuer à produire de la musique, fusse-t-il pour en vivre directement ou indirectement, et bien vous m’en voyez ravi ! Au fond, c’est tout ce qu’on leur demande non ?
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Ce billet a initialement été publié sur le blog de Kevin Lacroix,http://klxnoway.tumblr.com
Crédits CC flickr : Abdulrahman`?????g?????? ?Jonathan_W

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