OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Spotify : le freemium devient rentable ? http://owni.fr/2010/12/06/spotify-le-freemium-devient-rentable/ http://owni.fr/2010/12/06/spotify-le-freemium-devient-rentable/#comments Mon, 06 Dec 2010 10:56:34 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=28617 Une perte nette de £16,6 millions (19,6 M€) à rapporter à un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€) : ce sont les résultats de Spotify Ltd, l’entité commerciale principale de la compagnie, et opérateur du service de streaming de musique à l’échelle européenne.

Révélé par le site Music Ally la semaine dernière, ces chiffres laissent le doute subsister quand à la rentabilité du modèle économique freemium. Mais les prévisions encourageante de l’exercice 2010 pourraient changer la donne.

Le service de musique en ligne Spotify, qui a encore enregistré de lourdes pertes en 2009, pourrait bien atteindre l’équilibre en 2010. A condition que la forte progression des abonnements et de la publicité enregistrée sur les neufs premiers mois de l’année se soit poursuivie jusqu’à fin décembre.


Les comptes officiels de la filiale britannique de Spotify, Spotify Ltd, font état d’une perte nette de £16,6 millions en 2009 (19,6 M€), pour un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€). Ces résultats rendent compte des performances de la start-up de musique en ligne sur l’ensemble des territoires européens où elle est présente (Royaume-Uni, Suède, France, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas).

Selon son bilan, dont nous nous sommes procuré une copie intégrale (PDF), Spotify Ltd est en effet l’opérateur direct du service de streaming dans tous ces pays et la principale entité commerciale de la maison mère Spotify Technology SA, basée au Luxembourg.
Dans le détail, les revenus engrangés par Spotify Ltd en 2009 proviennent à 60 % des abonnements, à hauteur de £6,8 millions (8 M€), et à 40 % de la publicité, à hauteur de £4,5 millions (5,3 M€). Au 31 décembre 2009, Spotify revendiquait 7 millions d’utilisateurs, dont 250 000 abonnés, soit un taux de conversion en utilisateurs payants de 3,57 %.

Les coûts de vente de la société, qui couvrent notamment les sommes versées aux ayants droit, se sont élevés à £18,8 millions sur la période (22,1 M€), auxquels se sont ajoutés des coûts de distribution et les dépenses administratives, pour un montant global de £8,8 millions (10,3 M€).

Forte progression de l’abonnement

Fin octobre, Spotify indiquait à Music Ally avoir versé 40 M€ aux ayants droit depuis son lancement, dont 30 M€ sur les huit premiers mois de l’année 2010. Une indication que le chiffre d’affaires de la compagnie, qui revendiquait 601 000 abonnés à fin septembre 2010, dans un document confidentiel adressé à certains ayant droit auquel ElectronLibre a eu accès, aura nettement progressé cette année.

Selon l’évolution du nombre d’abonnés à Spotify, révélée dans ce document, le chiffre d’affaires lié à l’abonnement était déjà de l’ordre de 35 M€ en septembre 2010. Il pourrait atteindre environ 55 M€ fin 2010 si l’objectif déclaré de 770 000 abonnés est atteint, ce qui est en bonne voie. Soit une progression de 587 % sur un an.


Le chiffre d’affaires publicitaire de Spotify aura-t-il progressé dans les mêmes proportions dans l’intervalle ? Les documents dont nous disposons nous permettent de calculer qu’au huitième mois de l’année, les abonnements avaient rapporté 28,5 M€ à Spotify, qui a reversé environ 70 % de ce chiffre d’affaires aux labels, soit près de 20 M€.

C’est-à-dire les deux tiers des droits que la compagnie a déclaré avoir payé en 2010 à cette date. 10 M€ de droits proviendraient donc de la publicité, sur le chiffre d’affaires de laquelle Spotify reverse 50 % aux ayants droit ; soit un CA publicitaire pouvant être estimé à 20 M€ sur les huit premiers mois de 2010, et qui pourrait donc s’établir autour de 30 M€ sur l’ensemble de l’année. Il afficherait ainsi une progression de l’ordre de 660 %. Le chiffre d’affaires global de Spotify Ltd devrait ainsi s’établir autour de 85 M€ en 2010.

Équilibre en perspective

Dans ces conditions, la start-up suédoise pourrait très vite devenir profitable en Europe, avec une proportion croissante de ses revenus en provenance de l’abonnement, qui s’avère beaucoup plus rémunérateur pour les ayants droit, et un taux de conversion en abonnés payants qui devrait se situer autour de 6,5 %. Une ambition que son PDG, Daniel Ek, a déjà affichée publiquement.
En se basant sur notre estimation des revenus publicitaires et d’abonnement de la compagnie en 2010, elle devrait reverser un total de 53,5 M€ aux ayants droit cette année ; le solde (31,5 M€) permettant largement de couvrir ses autres coûts d’exploitation (la part des coûts de vente qui ne relève pas des royalties à payer, les coûts de distribution et les dépenses administratives), pour peu qu’ils ne s’envolent pas.

Leur marge de progression supportable, pour parvenir à l’équilibre dès 2010, est selon nos calculs de l’ordre de 45 %. De là à considérer que Spotify est sur le point de démontrer la rentabilité de son modèle freemium, il n’y a qu’un pas, qui pourra certainement être franchi dès que Spotify Ltd aura publié son bilan 2010.

__

Cet article a été initialement publié sur Electron Libre

CC flickr : pedroarilla, Johan Larsson, louisvolant

]]>
http://owni.fr/2010/12/06/spotify-le-freemium-devient-rentable/feed/ 6
Spotify: le ver(t) dans la Pomme? http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/ http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/#comments Tue, 26 Oct 2010 12:50:25 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=27383 Philippe Astor, journaliste spécialiste de l’industrie de la musique, a co-fondé le site Electron Libre et est blogueur sur digitaljukebox.fr.

Les performances de Spotify en Europe ont de quoi inquiéter Apple, alors que se profile son lancement aux États-Unis. Le service de streaming suédois dispose en effet de nombreux atouts susceptibles de remettre en cause le leadership d’Apple à domicile. Au point que la firme américaine envisage sérieusement de lancer son propre service de streaming sur abonnement, histoire de prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains.

Apple serait en train de se convertir au modèle de l’abonnement. Selon des sources citées par le New York Post, Eddy Cue, le patron d’iTunes, multiplie depuis quelques semaines les contacts avec les exécutifs de l’industrie musicale aux États-Unis, pour parvenir à une entente avec eux. Le projet de la firme de Cupertino serait bien de lancer un service de streaming sur abonnement donnant accès, avec son logiciel iTunes et pour le prix d’un forfait mensuel, à un catalogue étendu de plusieurs millions de titres.

Steve Jobs, le PDG d’Apple, a toujours décrié ce modèle, mais deux contingences pourraient justifier une subite conversion de la Pomme : le tassement des ventes de musique en téléchargement aux États-Unis, principal marché d’iTunes, au premier semestre 2010 ; et la perspective de voir débarquer sur le marché américain, d’ici la fin de l’année, un concurrent redoutable en la personne du suédois Spotify.

La montée en puissance de Spotify est pour le moins phénoménale. Au mois de janvier dernier, le service de streaming freemium revendiquait 250 000 abonnés en Europe, essentiellement répartis entre Suède et Royaume-Uni. A l’époque, le ratio entre nombre d’abonnés et nombre d’utilisateurs de son service gratuit financé par la publicité n’était que de quelques pour cent, c’est-à-dire encore ridiculement bas aux yeux des maisons de disques américaines ; très en-deçà, en tout cas, des 10 % de taux de conversion en utilisateurs payants qu’elles exigeaient. Neuf mois plus tard, Spotify a passé la barre des 600 000 abonnés, avec un taux de conversion qui est désormais de 15 %, selon des statistiques internes auxquelles nous avons eu indirectement accès.

500 000 nouveaux abonnés en l’espace d’un an

Spotify est bien parti pour atteindre son objectif de 770 000 abonnés en Europe à fin 2010, et pour avoir plus que triplé leur nombre en un an. A titre de comparaison, le pic d’abonnés à des services de streaming aux Etats-Unis, depuis quatre ou cinq ans, n’a jamais dépassé le million et demi. Un record que Spotify pourrait avoir battu à lui tout seul en Europe d’ici la fin 2011. Le lancement de la version mobile de Spotify, en septembre 2009, a été un premier facteur déclencheur. Puis, la progression du taux de conversion s’est accélérée avec l’intégration de fonctions de partage de playlists via Facebook et Twitter, en avril dernier. Mais aussi avec le lancement du player permettant d’écouter sa bibliothèque de fichiers MP3 personnelle avec le logiciel de la start-up, qui s’est ainsi transformé en véritable jukebox universel digne de rivaliser avec celui d’Apple.

La marge de progression de Spotify reste en outre très importante, notamment sur les cinq marchés européens où sa pénétration reste encore faible et est promise à une forte progression (France, Espagne, Finlande, Norvège et bientôt Pays-Bas). D’autant que plus les internautes utilisent le service gratuit depuis longtemps, plus leur taux de conversion en abonnés est élevé. Au mois de juillet dernier, il était supérieur à 17 % pour les utilisateurs ayant rejoint le service en février 2009, de 12 % pour ceux l’ayant rejoint en avril 2009, de 8 % pour ceux l’ayant rejoint entre juillet et octobre 2009, et inférieur à 5 % pour ceux qui ne l’avaient adopté qu’en janvier 2010. L’objectif de Spotify est de doubler son taux moyen de conversion des « free users » en abonnés dans les 12 mois qui viennent, pour atteindre les 30 %.

Afin de s’assurer d’atteindre cet objectif, Spotify permet depuis le mois de mai dernier d’ouvrir un compte gratuit directement, et non plus uniquement sur invitation. Une offre limitée à 20 heures d’écoute par mois, qui vise à répondre à une demande en très forte progression, tout en contrôlant la croissance des usagers. Le pari est le suivant : les non-abonnés investissent beaucoup de temps dans la construction d’une librairie musicale personnelle sur Spotify (elle est en moyenne de 100 titres au bout de trois mois d’utilisation du service, et de 500 titres au bout de 17 mois) ; ce qui augmente leur fidélité et leur propension à s’abonner. D’autant que la tranche d’âge la mois assidue (les 45-54 ans) écoute en moyenne 300 titres par mois. La limite des 20 heures d’écoute est donc très vite franchie par la plupart des utilisateurs.

63 % des abonnés premium ont moins de 33 ans

Le lancement concomitant d’une offre Spotify illimitée sur le PC à 4,99 € par mois (sans accès au service sur les mobiles ni possibilité d’écoute hors connexion) a contribué à augmenter le taux de conversion en abonnés sans affecter la progression du nombre d’abonnés au service premium complet. En l’espace de quatre mois, Spotify avait recruté 56 000 abonnés à cette nouvelle offre de base et, dans le même temps, le nombre d’abonnés premium était passé de 404 000 à 516 000. La start-up envisage par ailleurs de multiplier les accords de bundle avec les opérateurs de télécommunications, tel celui passé avec Telia en Suède et en Finlande, qui a eu un effet direct sur la hausse du nombre d’abonnés.

Une fois qu’il est abonné, le nombre de titres écoutés par chaque utilisateur tous les mois augmente considérablement. Il franchit la barre des 500 titres par mois pour les 45-54 ans, et passe de 500 à 600 titres par mois à plus de 800 pour les tranches d’âge les plus assidues (les 9-14 ans et les 15-17 ans). Spotify a par ailleurs pour vertu de séduire dans des proportions remarquables les jeunes générations, qui sont les moins enclines à payer pour accéder à la musique sur Internet. Ainsi 28 % des utilisateurs premium ont-ils moins de 24 ans. Et les 18-33 ans représentent 63 % des abonnés premium.

Enfin, une autre vertu de Spotify est de favoriser la vente de musique en téléchargement. Aucune statistique n’est disponible sur les ventes générées sur We7 depuis la mise en place d’un partenariat avec la plateforme britannique, mais c’est un aspect que le service de streaming compte nettement améliorer dans les mois qui viennent, en proposant notamment des bundles. L’ambition de Spotify est clairement de devenir à la fois une plateforme de découverte, à travers son offre de streaming, et une plateforme de téléchargement.

Un redoutable concurrent pour la Pomme

Dans ce domaine, le cercle vertueux que parviennent à créer les services de streaming, dont on craignait qu’ils ne cannibalisent les ventes en téléchargement, ne fait plus aucun doute, à l’image des performances de Deezer, premier affilié d’iTunes en France et troisième en Europe. Tous ces éléments tendent à valider la pertinence du modèle freemium que Spotify cherche à exporter aux Etats-Unis, face auquel les majors américaines ont jusque-là fait de la résistance ; ce qui explique le retard pris par le lancement du service outre-Atlantique.


Quel que soit le partenaire que se choisira Spotify pour se lancer aux Etats-Unis – Google ? Microsoft ? Amazon ? – Apple a du souci à se faire. D’abord, et avant tout, parce que c’est le seul concurrent sérieux d’iTunes à disposer d’un jukebox logiciel digne de ce nom. De nombreuses améliorations devront encore lui être apportées, dans la gestion des playlists, notamment, s’il souhaite faire totalement de l’ombre au logiciel d’Apple. Mais contrairement à iTunes, qui reste une véritable usine à gaz dans l’environnent PC, le logiciel de Spotify est redoutablement optimisé.

Ce dernier est en outre présent sur toutes les plateformes mobiles, d’Android à iOS (iPhone), en passant par Symbian ou Windows Mobile 6 et bientôt 7. Un formidable atout face à la plateforme d’Apple, qui se cantonne à l’iPhone. Or, le mobile est aujourd’hui le principal levier de croissance du marché du téléchargement, au point qu’iTunes réalise désormais un tiers de ses ventes sur iPhone en Europe,- et de celui de l’abonnement. Si elle veut prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains en direction de Spotify, la firme de Cupertino n’a d’autre choix que de leur proposer à son tour une offre de streaming. A défaut, Spotify, qu’un buzz de dix-huit mois a déjà précédé aux Etats-Unis, pourrait très bien venir croquer goulûment les parts de la Pomme sur le marché américain de la musique…

Article initialement publié par Philippe Astor sur Electron Libre

Crédits photos CC flickr: Jon Aslund; Marcin Michary; Mysza

]]>
http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/feed/ 2