OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les fab labs en route vers le Grand Soir http://owni.fr/2012/12/04/les-fab-labs-en-route-vers-le-grand-soir/ http://owni.fr/2012/12/04/les-fab-labs-en-route-vers-le-grand-soir/#comments Tue, 04 Dec 2012 15:39:17 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=126922

Conférence de Sabine Blanc sur les Fab Labs au siège du PCF à Paris, le 2 décembre 2012. - cc Ophelia Noor/Loguy (logo via le site officiel des fablab du MIT)

Si le PC vous auditionne aujourd’hui sur les fab labs, c’est d’abord parce que Yann Le Pollotec n’a pas arrêté de nous faire chier. (rires)

Plus sérieusement, le parti s’interroge sur les rapports entre écologie et production. Pierre Laurent, notre secrétaire national, a prononcé un discours important à ce sujet à Lille récemment. On est communiste, donc on est pour le partage. On est communiste, donc on est pour la révolution, et nous avons saisi le caractère révolutionnaire de ces outils présents dans les fab labs.

Hier, j’ai passé trois bonnes heures devant une poignée de membres du Parti communiste français, dont quelques cadres, pour leur expliquer en quoi consistait les fab labs, ces espaces collaboratifs de prototypage rapide nés au MIT qui font fantasmer aussi bien à droite qu’à gauche en raison de leurs supposées vertus à répondre aux défis posés par les crises actuelles. Cette audition était organisée par le LEM, ce Lieu d’Étude sur le Mouvement des idées et des connaissances, think tank (sic) du PC, au siège parisien place Colonel-Fabien, hiératique et surréaliste bulle temporelle tout droit sorti d’un James Bond période Sean Connery.

“Enfin !”, avais-je soupiré quand Yann Le Pollotec m’avait contactée à ce sujet voilà deux mois, suite à un article que j’avais écrit dans Le Monde diplomatique. Que le PCF s’empare avec passion de ces lieux où les citoyens se réapproprient les outils de production et donc les savoir-faire, fab labs mais aussi hackerspaces et makerspaces, me semblait une évidence. Et une opportunité pour donner un coup de fouet à un appareil qui ne brille pas par son image avant-gardiste. Le papier du Monde diplo commençait d’ailleurs par un appel du pied en forme de clin d’œil :

Se réapproprier les moyens de production : Karl Marx en rêvait, un chercheur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) l’a fait.

Troisième révolution industrielle

Fête le vous-même !

Fête le vous-même !

Sur le modèle des Maker Faire, ces grands rassemblements dédiés au do it yourself, version moderne du bricolage de nos ...

Avec Yann, le courant est passé très vite. Je précise parce que, comme pas mal de gens, la seule chose qui m’étonne au PC, c’est sa survivance persistante. Alors qu’une élection interne foireuse vient de mettre en l’air la formation qui dirigeait naguère le pays. Ma dernière expérience avait été malheureuse : Owni souhaitait organiser à la Fête de l’Humanité le premier Open Bidouille Camp, un grand rassemblement populaire dédié au bricolage, et en particulier ses avatars modernes boostés au numérique. Nous avions essuyé un refus non motivé.

Informaticien de profession, collaborateur de Jacky Hénin à la commission du Parlement européen sur l’industrie, et permanent du PC, Yann est un peu désolé de la mésaventure, lui qui dépense une partie de son énergie sur ces thématiques. Pour préparer l’audition, il me fait un petit historique. Le message essentiel : pédagogie.

J’ai fait une première intervention là-dessus il y a un an en comité central, la réaction a été : c’est quoi ce truc ?

En guise de métaphore sur le ton à adopter, il m’évoque l’exemple de Galilée plaidant en italien plutôt qu’en latin pour toucher un maximum de gens. Faire le même travail d’explication qu’au moment de l’arrivée de l’Internet grand public.

Conférence sur les fab labs au PCF, un réseau wifi nommé Niemayer et Hello Kitty au PCF. (cc) Ophelia Noor

Lui-même débroussaille le terrain pour ses camarades, comme en témoigne l’épais dossier qu’il me tend. Il a entre autres glissé un paragraphe dans le texte qui servira de base à la discussion au prochain congrès du PC en février et qui est envoyé à tous les adhérents, soit environ 130 000 personnes :

Sous la crise du capitalisme émergent déjà les prémisses d’une troisième révolution industrielle avec l’impression 3D, les machines auto-réplicatives libres, l’open source hardware, les mouvements hackers et maker. Ainsi se créent et se développent des lieux de conception et de proximité en réseau, ouverts et gratuits, où l’on partage savoir et savoir-faire, où l’on crée plutôt qu’on ne consomme, où l’on expérimente et apprend collectivement, où le producteur n’est plus dépossédé de sa création, tels les fab labs qui sont les moteurs de ce mouvement.

Toutes ces avancées portent en elles des possibilités de mise en commun, de partage et de coopération inédite.

En bullshit langage théorique, il est temps au PC de “dépasser la vieille opposition entre les économistes portés sur la révolution informationnelle et ceux qui soutiennent la révolution scientifique et technique, s’enthousiasme Yann, c’est le cœur de la troisième révolution industrielle”.

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Fabriquer soi-même ce dont on a besoin, réparer, au lieu de consommer des objets que l'on jette au moindre ...

Au MIT, ça se traduit par le “Center for bits and atoms“, structure créée en 2001 par Neil Gershenfeld pour accompagner le développement des fab labs, “une initiative interdisciplinaire explorant l’interface entre les sciences de l’informatique et les sciences physiques”.

Tâche d’autant plus ardue que le concept de troisième révolution industrielle ne fait pas consensus, y compris au sein du PC : “C’est très centré sur l’énergie, détaille Yann. Il y a aussi la question du capital en suspend. On ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche, il faut une réponse au salariat.”

Gros blanc

Malgré toutes ces bonnes précautions, il y a eu hier comme qui dirait un choc des cultures, des logiques, des démarches. Parler à des militants dans une logique de parti, je sais pô faire, contrairement à la Fing par exemple. Faire la politique se limite dans mon esprit à écrire des articles sur des sujets qui me semblent porter en germe les fondements de la société de demain, en assumant un coté militant. Passer un peu à la pratique aussi, en organisant des Open Bidouille Camp.

Pour le reste, j’ai une fâcheuse tendance à botter en touche en permanence, de préférence en mode pirouettes faciles. Bref du trolling. Chacun son tour : j’avais moi-même essayé de convaincre Okhin, de Telecomix, qu’il avait une conscience politique, il m’avait répondu dans un éclat de rire : “on est une inconscience politique !”

Conférence sur les Fab Labs au siège du PCF à Paris, le 2 décembre 2012. Avec Sabine Blanc et Yves Dimicoli - cc Ophelia Noor

Après une présentation, le temps d’échange a donc parfois donné lieu à des dialogues de sourds, à l’image de la première longue question posée par Yves Dimicoli, économiste, membre de la commission économie-social-finance du PCF et impeccable moustache à la Frères Jacques. Il parle de “valeur d’usage”, de “maîtrise du processus”, pour finir par :

Comment fait-on pour court-circuiter le marché ?

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Des grands groupes industriels s'intéressent aux "fab labs", ces mini-usines collaboratives, citoyennes, ouvertes à tous et ...

Et là, gros blanc, vieux souvenirs d’oraux foireux où j’ai mouliné dans ma tête les termes de mon interlocuteur pour constater avec désarroi que mes réponses en forme de Y ne rentrent pas dans sa question en forme de X. Et c’est d’autant moins le cas que :

1/ Je n’ai rien contre le marché et le capitalisme en général.

2/ Comme l’indique clairement leur charte, il n’est pas question avec les fab labs de s’en passer. Certes, Neil Gershenfeld veut “créer plutôt que consommer”, mais ça n’en fait pas pour autant un fils spirituel de Karl Marx.

3/ Il faudrait des heures pour élaborer une réponse complète.

Aussi judicieuses soient-elles, il y a beaucoup d’interventions dont je ne sais si ce sont des observations, des questions, des observations qui amènent réponses. Par exemple Claude Ginin, la soixantaine, petite veste de tweed :

Cela pose la question de la formation, il faut bien apprendre comment marchent les machines pour savoir ce qu’on peut en tirer. [...] Vous avez dit que les fab labs actuellement ne sont pas complètement coupés du marché. Mais du coup, qu’est-ce qui domine ?

Et de relever au passage que le marché n’a pas toujours existé. Il y a aussi cette remarque de Santiago Serrano, adjoint délégué au développement économique et commercial, à l’emploi et aux nouvelles technologies au Blanc-Mesnil, que ne démentiront pas les levées de fonds de Co-voiturage.fr ou MakerBot par exemple :

Il y a le danger du développement d’un marché de la valeur d’usage.

Sabine Blanc sous le feu des questions d'Yves Dimicoli, économiste et membre de la commission économie-social-finance du PCF (cc) Ophelia Noor

Yves Dimicoli relance :

Nous sommes à la recherche d’une nouvelle systémique. Comment on aide à développer ce potentiel ?

Je leur répète que c’est à eux de s’emparer de ces lieux pour leur faire suivre la pente qui leur parait la plus juste. Un peu lassée :

Il y a une valeur importante chez les hackers, ça s’appelle la do-ocracy, le pouvoir à ceux qui font. Organisez des visites, expérimentez, soutenez ceux qui, comme Yann, portent des projets

Parmi les soutiens de Yann, il y a Elvire. Elle souhaite mobiliser les jeunes autour du futur fab lab via la robotique. Le motto de la troisième révolution industrielle l’accroche. Avant l’audition, elle m’a expliqué avant avec franchise :

Ne pas être en retard pour une fois.

Conférence sur les fab labs au siège du PCF à Paris le 2 décembre 2012 (cc) Ophelia Noor

Devant ses camarades, elle précise sa démarche :

Je vois les fab labs comme une plate-forme de réflexion pour réinterroger une population en lui mettant une expérience à disposition : comment se l’approprient-ils ? Créent-ils du lien social ? La détournent-ils ? C’est une mise en abyme. Comment une population peut percevoir une mairie dirigée par un maire communiste ? Ils ne font plus la différence depuis le temps.

Mais au fait que font l’UMP, le PS, les Verts ?

Et si je trolle parfois, si nous ne parlons pas la même langue toujours, c’est avec plaisir que la conversation se poursuivra autour d’une bière. Le sujet les a passionnés visiblement, les enjeux ont été compris, bref le message est passé. Je ne sais pas si l’UMP, le PS ou les écolos ont organisé de semblables débats. Et Michel Laurent, qui s’occupe du LEM, pointe avec justesse les limites de ma démarche du “juste fais-le” et des petits pas : à un moment donné, il faut passer à la vitesse supérieure.

Vous me faites penser à la chanson de Coluche : “je ne promets pas le grand soir, juste à manger et à boire.” C’est bien mais aujourd’hui, ils servent 8 fois plus de repas. Nous, on veut le grand soir.

Et force est de reconnaitre que sur ce terrain, ça se passe plutôt en Chine ou en Russie qu’en France, avec des fonds conséquents investis par l’État. En attendant que mille fab labs fleurissent dans les villes PC, je leur suggère d’en faire un mobile à la prochaine Fête de l’Huma. Au sein d’un Open Bidouille Camp ? Yann se marre :

Il y aura une recommandation du conseil national, même si ça suffit pas forcément !


Photos par Ophelia Noor /-) Toutes les photos sont visibles ici.

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Et si c’était la faim de l’Open Data http://owni.fr/2012/11/06/et-si-cetait-la-faim-de-l-open-data/ http://owni.fr/2012/11/06/et-si-cetait-la-faim-de-l-open-data/#comments Tue, 06 Nov 2012 16:24:35 +0000 libertic http://owni.fr/?p=125241

Nous assistons depuis quelques semaines à la fleuraison de nombreux articles venant orner avec anticipation la tombe de l’Open Data français. Entre le retour de la question de la tarification des données, la fermeture de services basés sur des informations santé, et le remaniement d’Etalab, les pythies prédisent déjà la fin de l’aventure Open Data.

Certaines questions n’ont pourtant pas lieu d’être tandis que d’autres signes, parfois passés inaperçus, semblent plus préoccupants pour l’avenir. Puisqu’il semble d’actualité en période d’Halloween de jouer à se faire peur, si on développait de vrais arguments de préoccupations après avoir fait tomber les faux ?

L’horreur de la gratuité

Le 17 octobre dernier, un article des Echos paraissait sous le titre : L’État pourrait renoncer à la gratuité des données publiques. Olivier Schrameck, membre de la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique s’y interrogeait sur la pertinence de proposer gratuitement des données publiques en temps de crise. Cet article largement cité a inauguré la saison d’écrits mortifères sur la future tarification des données, le conditionnel étant devenu affirmation par la force des reprises médiatiques.

Vol noir de corbeaux sur l’Open Data français

Vol noir de corbeaux sur l’Open Data français

Regards citoyens, association pionnière sur l'Open Data en France, réagit pour Owni aux deux articles très ...

La publication par Owni le jour même de l’écriture de ce billet nous épargne un fastidieux travail d’analyse des théories de développement des rumeurs avec les étapes de réduction et accentuation des propos. Owni pointe ainsi qu’Olivier Schrameck a soutenu en public la gratuité des données, ce qui laisse supposer la retranscription d’une phrase sortie de son contexte dans l’article à la base du florilège médiatique. Le gouvernement a par ailleurs répondu le 31 octobre par un communiqué affirmant le maintien du programme d’ouverture de données gratuites.

La question de la tarification des données ouvertes ne semble donc pas se poser, ce qui aurait pu être une bonne nouvelle si seulement ce débat n’avait déjà été tranché en 2011 par la circulaire du 26 mai instaurant le principe de gratuité par défaut des données publiques.

Pour irriguer le moulin des controverses, nous pouvons néanmoins ajouter qu’il n’y a toujours pas eu de positionnement du gouvernement sur la question de l’extension de la gratuité des données à celles encore facturées sans justification évidente. La stratégie Open Data française devrait être dévoilée en fin d’année.

Etalab, soluble dans la modernisation de l’action publique

Cette semaine a également été marquée par le départ de Séverin Naudet, jusque-là directeur de la mission Etalab en charge de l’ouverture des données interministérielles et de la plateforme nationale data.gouv.fr. Départ accompagné de l’abrogation de la mission Etalab par le Décret 2012-1198 du 30 octobre 2012 portant création du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.

Certains ont voulu y voir la fin de la mission Open Data du gouvernement. Celui-ci a pourtant indiqué maintenir le programme d’ouverture des données en plaçant l’Open Data sous la tutelle du nouveau service de modernisation de l’action publique. Nous avons déjà expliqué que nous souhaitions ce changement, sur notre blog ici et . Ce remaniement était attendu et semble parfaitement opportun car pour envisager un développement ambitieux de l’Open Data en France :

• Il est nécessaire de développer l’harmonisation des pratiques et standards de données par la collaboration ;
• Il est donc nécessaire d’avoir une mission nationale enfin fédératrice ;
• Il est nécessaire d’organiser les espaces d’échanges et de mutualisations pour le développement des initiatives ;
• Il est donc nécessaire que la mission ne s’attache plus uniquement à sa propre ouverture mais également à une stratégie de développement national ;
• Il est nécessaire de sortir les démarches d’ouverture d’une seule logique de publication de données en ligne ;
• Il était donc nécessaire d’intégrer l’Open Data au sein d’une stratégie globale de modernisation de l’action publique en lien avec les systèmes d’information et de la communication.
Pourquoi l’avenir sera open(data)

Pourquoi l’avenir sera open(data)

A partir de quand les données publiques le sont-elles vraiment ? LiberTIC présente le panorama des villes en pointes sur ...

En rattachant l’Open Data, jusque-là élément expérimental isolé, à la direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique, la France se donne les moyens de développer une stratégie globale, transversale et cohérente afin d’assurer la diffusion des pratiques.

L’objet du nouveau secrétariat général n’est pas sans rappeler les objectifs de la gouvernance ouverte avec ses notions d’évaluation et modernisation de l’action publique, ce qui procure l’avantage de proposer enfin une stratégie au-delà de la seule publication de données. Nous avions d’ailleurs appelé à ce repositionnement il y a presque un an.

Et malgré cet acte nécessaire à la pérennité de l’Open Data, des dérives politiques ont favorisé le relais de la fausse information sur la fin de l’Open Data en France, provoquant le déchaînement des réseaux. L’UMP publiait ainsi que “le gouvernement décide de diluer la politique de transparence et d’ouverture des données publiques (Open Data) engagée par Nicolas Sarkozy et François Fillon” invitant à considérer la fin de l’Open Data pour une actualité qui pourrait au contraire en marquer le début.

Les critiques récemment relayées semblent donc injustifiées et occultent les vraies questions. Il serait peu ambitieux de focaliser les débats sur la gratuité ou le statut d’Etalab et de s’estimer bienheureux d’en voir la continuité assurée. Aujourd’hui les attentes sont passées à un stade supérieur et parmi tous les enjeux (en terme de qualité, quantité, dispositifs autour des données, etc)… nous pouvons évoquer plus assurément un questionnement sur une volonté politique de l’extension des données ouvertes.

Le risque de tartufferie

Si ces derniers remaniements semblent de bon augure pour la pérennité des démarches, il serait encore prématuré d’y associer l’existence d’une réelle ambition pour faire de l’Open Data un levier de changement. Pour preuve, les conflits liés aux données fermées se multiplient et l’absence de soutien politique pour l’extension de l’ouverture à des données d’intérêt général, ou permettant réellement de rendre compte de l’action publique risque de confiner le mouvement français à une logique de publication de données gadgets.

Un premier sujet de déception porte sur la position du ministère de la Culture qui s’est récemment déclaré “favorable à l’ouverture des données culturelles dans un cadre d’exception“. Entendez : oui à l’Open Data, mais sans toucher au cadre juridique actuel qui confère aux données culturelles le pouvoir de se soustraire à l’obligation d’ouverture.

Dans cette réponse publique à l’Assemblée Nationale, le ministère de la Culture et de la Communication rappelle qu’il participe très activement aux négociations européennes sur la révision de la directive portant sur la réutilisation des informations publiques. Il s’y est même montré favorable à l’élargissement du champ de la réutilisation des données aux musées, archives et bibliothèques, “dans la mesure où un régime spécifique leur serait appliqué”. Ce qui, une fois traduit en Open Data, revient à confirmer un lobbying français en faveur de l’exclusion des données culturelles du champ du droit d’accès à l’information publique en Europe.

Dans le domaine de la culture, le nouveau gouvernement semble donc être aussi peu disposé que l’ancien à faire preuve de volontarisme.

Une police bien gardée

Courir après les policiers municipaux

Courir après les policiers municipaux

La transparence et l'ouverture des données (Open Data) sont des priorités pour nos administrations. À priori. Nous ...

Une autre source de questionnement quant à une volonté politique réelle sur l’extension de l’ouverture de données : une cartographie d’Owni qui identifie les préfectures ayant accepté de fournir aux journalistes l’effectif des polices municipales locales. Si la carte semble s’être enrichie depuis la parution de l’article, on y constate que de nombreuses préfectures refusent encore de fournir leurs informations publiques.

Les villes et régions engagées dans des procédures d’ouverture de données n’ont pas de préfectures plus collaboratives que les autres. La Préfecture de Paris, qui a le mérite d’être la seule engagée dans une démarche Open Data, se cantonne malheureusement à publier la localisation des fourrières et commissariats et n’aurait, selon la carte, pas transmis les informations sollicitées par Owni.

Même constat de rétention pour la Préfecture de Loire-Atlantique dont tous les niveaux de collectivités sont pourtant engagés dans l’ouverture de données avec un portage politique.

Tartufferie Open Data : posture de communication sur la transparence tout en faisant entrave au droit d’accès à l’information publique. Cette définition est probablement applicable à toutes les administrations engagées dans l’Open Data. Il va manquer quelques actes aux paroles pour convaincre d’un changement d’orientation.

L’accès aux soins pour les plus démunis d’information

D’autres domaines semblent également confirmer un manque de volonté politique sur l’Open Data. À quelques semaines d’intervalle, deux services se sont vus interdire l’usage d’informations liées à la santé. S’il s’agit parfois d’informations pouvant sortir du cadre du droit à la réutilisation, ces deux événements interpellent néanmoins sur la nécessité d’un questionnement des pratiques de services publics qui ne sont, de toute évidence, pas à l’avantage des usagers.

Fourmisanté, lauréate du concours Open Data national Dataconnexions, réutilisait des informations publiques disponibles sur le site Ameli, géré par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Salariés (Cnams). Le projet : développer un service permettant aux internautes de comparer les tarifs de consultation des médecins généralistes et des spécialistes sur une localité. Objectif : favoriser la diffusion d’information sur le coût de la santé afin de permettre à chacun de faire de meilleurs choix et des économies.

Le site a dû fermer son comparateur de tarifs médicaux après une mise en demeure de la Cnams.

Un cas similaire de demande d’accès à ces informations avait déjà été traité par la Cada qui confirme la nature publique des informations sollicitées, tout en précisant que la liste des médecins comporte des informations à caractère personnel qui ne sauraient entrer dans le cadre d’une communication sans anonymisation malgré le fait que l’information soit effectivement disponible en ligne.

Pour rappel, il est possible de réutiliser des données à caractère personnel (tels que le nom et numéro de téléphone d’un médecin ou autres professions libérales) s’il y a eu consentement de diffusion. Il serait possible de transposer ce droit aux usages externes mais ce n’est pas l’objectif de la Cnams qui s’offusque selon Rue89 que les données présentes sur le site Ameli-Direct, “résultat d’investissement financier, matériel et humain substantiels” (ceux des services de l’État, donc), soient utilisées par fourmisante.com

Les commentaires des internautes sur l’article en disent d’ailleurs long sur le chemin culturel qu’il reste à parcourir pour rendre présentable la notion de réutilisation d’informations publiques en France, pourtant créatrice d’emplois notamment sur le projet Fourmisanté. La médiatisation de l’affaire a finalement poussé Marisol Touraine, Ministre de la Santé, à s’exprimer sur le sujet en ces termes selon Politis : “Il revient aux pouvoirs publics de rassembler ces informations sur les hôpitaux, pour les rendre plus accessibles et plus transparentes”.

“Aux pouvoir publics.”

Entreprises-créatrices d’emploi, certes mais entreprises avant tout : non gratae. Ce qui remet en question l’argument avancé de développement de l’innovation sur des données publiques lorsque de toute évidence cela reste perçu comme un dommage collatéral. Pourtant à travers la charte de déontologie signée par les ministres, chacun d’entre-eux s’engageait à développer transparence mais également mise à disposition des données. Tant que les intentions ne seront pas suivies par des actes, tous les doutes restent permis sur l’existence d’une réelle volonté politique.

Ce différend est rendu public le jour même où démarrent des négociations entre l’assurance maladie, les syndicats de médecins libéraux et les mutuelles complémentaires santé, pour tenter d’encadrer les dépassements d’honoraires médicaux. On estime entre 300 et 400 le nombre de médecins qui pratiquent des honoraires “hors normes” soit jusqu’à dix fois le tarif sécu. Et plusieurs milliers de médecins ont des dépassements qui posent des problèmes concrets pour l’accès aux soins. Reste, dans cette jungle tarifaire, à comprendre pourquoi la Sécurité sociale ne fait pas tout pour faciliter l’accès des assurés à une comparaison des montants des honoraires. (Source)

Il semble que l’usage de données d’utilité publique comme moyen de pression et de négociation par certains corporatismes se fasse aujourd’hui avec le consentement des pouvoirs publics et au détriment des citoyens et usagers. Le constat est applicable à d’autres acteurs de la santé. Lire à ce sujet le pamphlet de la directrice de Fourmisanté qui dénonce un scandale français sur l’accès à l’information santé, devenu marronnier des médias par manque d’action politique.

Feu Dentistedegarde.net était un service santé basé sur des informations publiques devenues inaccessibles. Le service disponible pour la Loire-Atlantique proposait d’accéder aux coordonnées du dentiste de garde le plus proche en cas d’urgence. Il intégrait également les données ouvertes de Nantes Métropole pour offrir aux Nantais un calculateur d’itinéraire intégré. Le CHU de Nantes renvoyait vers ce service depuis son site internet et dentistedegarde.net a reçu plus de 18 000 visites en moins d’un an. Selon les développeurs, des dentistes allaient jusqu’à mettre à jour leurs coordonnées via le site, conduisant à l’enrichissement de la base.

Un partenariat entre l’ordre des chirurgiens-dentistes de Loire-Atlantique et les développeurs permettait à ces derniers d’obtenir les informations sur les gardes en amont de la mise en place (pour adapter leur service) et en échange ils enrichissaient la base fournie avec la liste des numéros de téléphones de dentistes qui n’étaient pas renseignés initialement. Chacun y trouvait donc son compte.

En octobre dernier, l’ordre de Loire-Atlantique a indiqué aux développeurs qu’ils devaient cesser de fournir la liste des gardes pour la fin d’année 2012. Dans un article de 20minutes, il est en effet rappelé que le remaniement dans la diffusion des gardes a été demandé au niveau national et par le ministère de la Santé afin d’organiser une redirection générale vers le Samu pour qu’il procède à l’orientation des patients auprès des praticiens ou hôpitaux selon les besoins.

Face à ce constat, les développeurs n’ont pas jugé utile de renouveler les domaines et hébergements du site qui devaient être reconduits en octobre. Le service n’est donc plus disponible en ligne.

Paradoxalement, Jérôme Mousseau, Président de l’ordre départemental, explique dans une interview sur Radio SUN que cette volonté de remaniement dans le traitement des informations répond à un manque d’informations sur le service de garde. “Beaucoup de gens ne savent pas qu’il y a un service de garde tous les dimanches matins et tous les matins des jours fériés”. On ne comprend pas bien comment supprimer l’information en ligne et la cantonner au 15 permettra au public de mieux prendre connaissance de l’existence de ces services.

Autre bémol à la stratégie : tout le monde n’appelle pas le 15 avant de se déplacer. Les infirmières du CHU de Nantes affirment que des patients qui auraient dû être orientés vers des praticiens finissent par engorger les urgences. Le système 15 focalise finalement l’effort sur le SAMU inondé d’appels de simple informations sur la localisation des gardes et sur les services hospitaliers tenus de gérer les cas des praticiens.

En 2009, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, disait vouloir mettre 10 millions d’euros sur la création d’une plate-forme internet et téléphonique visant à désengorger les centres 15. L’objectif du projet, qui n’a finalement pas été mis en œuvre, était de faciliter l’accès à l’information par un dispositif spécifique plutôt que de faciliter sa dissémination à moindre coût. La mode était et semble rester à une gestion centralisée et à l’information téléphonique.

Mathieu Le Gac-Olanié, créateur de dentistedegarde.net regrette :

La suppression de notre service va vers une plus grande concentration des appels vers le 15 ou un passage direct aux services hospitaliers sans orientation. Notre service gratuit et accessible à tous proposait pourtant d’offrir une première information en répondant aux questions telles que le numéro des gardes. Il était facilement possible de rajouter une mention invitant à appeler le 15 avant tout déplacement.

Dans l’interview sur Radio SUN, l’ordre des chirurgiens-dentistes justifie le contrôle de la diffusion de l’information par une question de sécurité des praticiens dans un domaine “très féminisé”. Cela semble paradoxal avec la volonté de promouvoir l’existence des gardes d’urgence auprès du grand public mais nous pourrions entendre l’argument sécuritaire s’il ne perdait de la crédibilité au constat que les services publics eux-mêmes ont parfois des difficultés à accéder à l’information des gardes (des dentistes comme des pharmaciens). Il y a donc un réel problème de diffusion et accès des informations aux services d’urgence, au détriment même des services publics et des usagers.

Son : Radio SUN (93.0 FM)

La mise à disposition d’informations en ligne reste une solution négligée et synonyme de perte d’un contrôle toujours plus illusoire lorsque l’on pourrait au contraire explorer les pistes des nouvelles pratiques numériques pour tenter de résoudre des problèmes d’utilité publique.

Serons-nous tartuffés ?

L’Open Data payant s’ouvre à la gratuité des débats

L’Open Data payant s’ouvre à la gratuité des débats

Monétiser les données publiques : le débat a ressurgi après l'annonce la semaine d'une réflexion menée dans ce sens. Un ...

S’il est encore trop tôt pour discuter de la stratégie Open Data du gouvernement, qui semble cependant se donner les moyens de pérenniser les actions, les quelques éléments de réponse et non-réponse des nouveaux dirigeants politiques sur les conflits d’accessibilité aux données pouvant provoquer débat ou interprétation semblent refléter une position résolument conservatrice. Il serait donc légitime de se demander si nous allons continuer d’assister à de l’Open Data gadget qui ne libère que les informations accessibles par ailleurs.

Toutes les données ne sont pas bonnes à ouvrir largement mais pour celles considérées publiques, la loi garantit devrait garantir qu’elles soient accessibles à tous. Pour certaines données essentielles parfois hors-cadre du droit d’accès à l’information, une réflexion s’impose sur leur requalification. Des données dans le domaine de la santé, de la sécurité, de la culture et des finances sont notamment concernées. Des données des administrations mais également d’entreprises, associations et autres organismes qui détiennent aujourd’hui des informations d’utilité publique. Cela implique l’affirmation politique d’une volonté d’extension de l’ouverture.

Dans un contexte de forte pression fiscale et d’efforts demandés aux Français, il paraît d’autant plus essentiel d’assurer la transparence de l’action publique et de garantir une action de qualité orientée vers l’usager. Une réflexion est donc indispensable pour définir le cadre de l’extension de l’ouverture et le délimiter.

Si l’Open Data ne devait libérer que des données consensuelles, sans remettre en question certaines pratiques, nous passerions à côté des objectifs et opportunités de ce projet social. Or cela requiert du volontarisme politique qui fait encore cruellement défaut.


Photos sous licences Creative Commons par Pulpolux, JFPhoto, Sharon Drummond et Kicki
Billet initialement publié sur LiberTIC en Creative Commons et reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur.

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De la data au street art, l’expulsion s’expose http://owni.fr/2012/11/02/de-la-data-au-street-art-lexpulsion-sexpose/ http://owni.fr/2012/11/02/de-la-data-au-street-art-lexpulsion-sexpose/#comments Fri, 02 Nov 2012 10:30:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=124583

Toujours pour rendre visibles les expulsés invisibles, nous diffusons nos motifs DANS LE MONDE RÉEL.

Le projet Expulsés.net, dont nous avions déjà parlé en grand bien, évolue pour sensibiliser davantage à la politique de reconduite à la frontière menée par la France en 2012.  Outre une base collectée auprès des association, en particulier RESF, détaillant le profil, partageable sur Twitter et Facebook, de chaque homme, femme ou enfant, Julien, le Bordelais à l’origine du projet a rajouté une couche IRL :

J’ai créé un kit de fabrication de figurines en argile reprenant les motifs du site. Il est produit avec une imprimante 3D et peut être reproduit et expédié sur demande à quiconque veut participer au projet. J’ai commencé à l’utiliser, à la plus grande surprise des passants qui emportent chez eux un petit totem mystérieux marqué d’une URL. Comme quoi la RepRap, ça sert pas qu’à faire des space invaders…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il est aussi possible de télécharger des stickers. Julien donne le mode d’emploi pour que ce hack urbain soit efficace : “il est toujours préférable, afin de vous éviter divers ennuis et également pour éviter que votre installation ne soit vue que par l’agent d’entretien chargé de la détruire, de diffuser sur des emplacements sinon autorisés, au moins non-affectés à des usages précis. Les centres-villes sont pleins de vitrines condamnées, de barrières provisoires en contreplaqué, etc. Choisissez des modes de diffusion alternatifs, voire n’accrochez pas votre installation et laissez les passants l’emporter chez eux en petits morceaux (c’est clairement la meilleure solution avec les figurines en argile) !”

Record de 2011 battu

La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a annoncé qu’il y aura “un peu plus” de reconduites à la frontière cette année qu’en 2011, battant le “record” de 33 000. Le gouvernement précédent avait affiché un objectif de 40 000 en 2012 en cas de réélection de Nicolas Sarkozy. La baisse des expulsions constatées depuis mars “n’est pas la résultante de consignes, mais découle de l’impossibilité de recourir à la garde à vue pour les sans-papiers depuis des décisions de la justice européenne et de la Cour de cassation”, selon une source du ministère citée par l’AFP.

“Il y a de la part de ce gouvernement, une volonté de mener une politique humaine, juste, mais très ferme sur les reconduites à la frontière”, a précise Manuel Valls, qui se dit opposé à une “politique du chiffre qui pèse énormément sur les forces de l’ordre. Elle amène à des comportements, à des tensions qui ne conduisent pas à l’efficacité.”

Le changement de gouvernement n’est donc pas rendu caduc Expulsés.net. Julien prévoit d’ailleurs de faire une installation de grande envergure avec plusieurs centaines de figurines à Bordeaux en novembre.


Images via expulsés.net

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http://owni.fr/2012/11/02/de-la-data-au-street-art-lexpulsion-sexpose/feed/ 7
On achève bien les dinosaures http://owni.fr/2012/10/25/on-acheve-bien-les-dinosaures/ http://owni.fr/2012/10/25/on-acheve-bien-les-dinosaures/#comments Thu, 25 Oct 2012 16:04:07 +0000 Laurent Chemla http://owni.fr/?p=124147

Longtemps, j’ai mis sur le compte de l’incompréhension – donc de la peur – l’étrange tendance qu’ont les professionnels de la politique à intervenir en permanence pour tenter de “réguler”, “légiférer”, “contrôler” les nouvelles technologies de l’information.

De mon point de vue de simple programmeur informatique, vouloir à toutes forces modifier un logiciel parfaitement fonctionnel est incompréhensible: si la règle “If it ain’t broke, don’t fix it” était à l’origine politique, elle a été largement reprise depuis par la communauté des informaticiens flemmards dont je me réclame. C’est donc tout naturellement que je pensais naïvement qu’une telle volonté de vouloir “corriger” le comportement d’un écosystème tout à fait viable ne pouvait venir que d’une totale incompréhension de son fonctionnement.

Comme toujours, j’avais tort.

L’excellent Stéphane Bortzmeyer l’a rappelé cette année lors du non moins excellent “Pas sage en Seine” : qu’ils le comprennent ou non, on s’en fout. Ils ne savent que rarement comment ça marche, et pourquoi, mais ils savent que l’effet produit sur la société n’est pas en adéquation avec leur projet politique, et donc ils agissent de manière à limiter ou à faire disparaître cet
effet. Un point c’est tout.

De leur point de vue, le “logiciel” Internet est un virus qui modifie l’état d’une société dont ils pensent être responsables, et – de gauche comme de droite – ils se prennent pour l’antivirus qui va éradiquer le méchant.

Le réseau permet au simple citoyen – pour la première fois dans l’Histoire – d’exercer son droit à la liberté d’expression “sans considérations de frontières” ? On multipliera alors les déclarations à l’emporte-pièce : il est important de convaincre madame Michu qu’Internet, c’est le mal, pour que la censure puisse s’installer un jour avec sa bénédiction. La preuve, c’est que des pédophiles l’ont utilisé pour regarder des photos, si si, alors on vote LOPPSI2 qui permettra de filtrer tout ce qu’on veut. Na.

Internet permet à d’autres qu’au seul personnel politique d’avoir en temps réel les sondages “sortie des urnes” des élections ? Surtout ne changeons rien à la loi et rappelons ce que risquent nos médias nationaux si jamais ils osent publier ce qu’on trouvera si facilement au-delà de nos frontières. Si ça ne suffit pas, on envahira la Suisse et la Belgique. Na.

L’abondance des sources d’information rend à peu près caduque la mission de “garantir la liberté de communication audiovisuelle en France” du CSA ? Qu’à celà ne tienne : on étudiera sa fusion avec l’ARCEP, au mépris du principe de neutralité des opérateurs consacrée par le 5e alinéa de l’article L31-1 du Code des Postes et Communications. Qui contrôlerait ce qu’on peut dire en public dans ce pays, sinon ?

Twitter et les réseaux sociaux ont facilité les révolutions du printemps arabe ? Fabuleux ! Vite, demandons-lui de mettre en place des méthodes de censure géolocalisée pour que nous puissions interdire la diffusion de ce que nos lois interdisent (et tant pis si demain ces outils permettront à des dictatures de garder la main-mise sur leur population). Na.

Bref. Là comme ailleurs, je pourrais continuer longtemps à dénoncer les idioties passées et à venir. Et surtout à rappeler encore et toujours le clientélisme qui semble inscrit dans les gènes de nos représentants :

“Allô François ? C’est Laurent. Dis, y a une petite boite américaine, là, Gogole, qui fait rien qu’à m’embêter à vouloir me piquer ma publicité à moi que j’ai et qui me donne envie de dire du bien de ton boulot ! Faut faire quelque chose.”
“Ok, je vais créer une taxe sur les liens !”
“Allô Aurélie ? C’est Pascal. Dis, y a des tarés libertaires qui croient qu’ils peuvent échanger ma Culture à moi que j’ai – sans payer la gabelle qui rend heureuses les célébrités qui te soutiennent. Faut faire quelque chose.”
“D’accord, je vais élargir la taxe sur les fournisseurs d’accès pour financer ton business !”

ALLO UI C INTERNET ET VOUS N’Y POUVEZ RIEN C LA MONDIALISATION.

Et oui, messieurs mesdames : la disparition des frontières c’est bon (mangez-en) pour les riches et les puissants, mais seulement si le libre-échange ne concerne qu’eux. Quand le simple citoyen s’y met aussi, alors là, rien ne va plus. Imaginez qu’en plus ils expatrient leurs données, qu’ils utilisent des VPN pour se délocaliser là où la législation permet l’activité prohibée ici-bas, voire même, horreur, malheur, qu’ils ne soient pas commerçants mais simplement partageurs !

Ces choses là ne se font pas, monsieur. Ces choses là sont réservées à nos élites, pas au bas peuple. Quand trop de monde “optimise” sa fiscalité en achetant ses DVD là où la taxe sur la copie privée est moins délirante, quand trop de monde préfère choisir le prix le moins cher pour ses achats, “sans considérations de frontière” et sans passer par les baronnies féodales de la nation, voire même – comme dans le ridicule exemple de Coursera – quand chacun peut choisir où et quoi étudier, alors là monsieur, alors là où va-t-on ?

Internet a tendance à faire disparaître les intermédiaires, dans tous les domaines. Dans l’entreprise, le mail a remplacé la chaîne hiérarchique et chacun peut s’adresser à n’importe qui. Dans le commerce, le grossiste chinois a sa propre boutique en ligne accessible à tous. Dans la Culture, l’artiste peut diffuser directement ses oeuvres à son public. Certains l’ont bien compris et ont construit un modèle économique pour en tenir compte (Google n’est finalement qu’un énorme filtre éditorial qui permet au simple citoyen de faire le tri dans une information et une culture d’abondance). D’autres le refusent, arc-boutés sur des modèles qui les privilégiaient. Rien de plus normal.

Ce qui l’est moins (normal), c’est quand ce refus d’accorder aux autres les privilèges dont on était l’unique dépositaire atteint les combles du ridicule dans lesquels baigne le législateur depuis quelques années.

Nos grands groupes industriels du numérique sont dépassés par encore plus gros et peinent à exister face aux Apple et Amazon ? Finançons un “Cloud souverain” à partir du grand emprunt ! Et tant pis si ça concurrence quelques jeunes pousses locales, mieux adaptées au nouveau monde : ce qui compte c’est d’agréer nos vieux amis.

Nos ayants droit ne gagnent plus autant qu’avant, noyés qu’ils sont dans l’évolution des formats et de la distribution des oeuvres ? Qu’à celà ne tienne : créons une “taxe copie privée” (la plus élevée d’Europe) pour les dédommager de leur propre turpitude. Et tant pis si nos petits distributeurs locaux font faillite face à la concurrence des vendeurs de support étrangers, et tant pis si cette taxe est déclarée illégale par Bruxelles. On s’arrangera : ce qui compte c’est de protéger les représentants bien nourris de nos artistes connus (et n’oublions pas que 25% de cette taxe arrose les différents festivals de nos amis élus locaux, ça compte les amis – au fait, ça s’appelle comment quand de l’argent privé permet d’acheter des passe-droit auprès de structure publiques ?).

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Nos patrons de Presse sont incapables de trouver un modèle économique cohérent sur le Web ? Eh bien taxons le Web pour les aider ! Si Google indexe leurs sites il doit les payer. S’il ne les indexe pas alors c’est qu’il les censure. Dans tous les cas il doit payer. Pourquoi ? Parce que Google rend service à la Presse mais qu’il en retire de l’argent : c’est scandaleux. Personne ne gagne d’argent dans la Presse dans ce pays, un point c’est tout. Et tant pis si la Presse française finit par ne plus être indexée et si elle disparaît du paysage numérique. Ce qui compte c’est de montrer à nos amis éditorialistes influents qu’on les aime.

La liste est si longue des incohérences, taxes, législations spécifiques, au cas par cas, en fonction des besoins, des amitiés, de la puissance de tel ou tel lobby que je pourrais continuer comme ça sur des pages et des pages. Et chaque nouvelle législature recommence, encore et encore, à chercher un angle pour rétablir des frontières à jamais disparues. Mais uniquement sur Internet, les frontières, hein ? Pas sur nos routes, là ce serait nuisible au commerce mondialisé qui a rendu tant de services à nos grands groupes délocalisateurs fiscalement optimisés.

Comme si Internet n’était pas le vrai monde, comme si le vrai monde n’était pas Internet. Nos représentants politiques sont les seuls à croire encore que le Web est virtuel, que la loi commune ne s’y applique pas, qu’il y faut une législation spéciale, des frontières archaiques et une surveillance particulière.

N’importe quoi.

La loi doit être la même pour tous. Les taxes doivent être cohérentes pour être acceptables. Imposer une TVA plus élevée sur la Presse en ligne que sur la Presse papier, par exemple, ne repose sur aucune justification. Punir davantage un pédophile parce qu’il mate des gamins sur Internet plutôt que dans un square est surréaliste (et pourtant c’est le cas: CP227-23). Bannir l’antisémitisme de Twitter mais le laisser s’étaler dans la rue est affligeant. Et en ce qui concerne nos finances, ce n’est pas mieux : OVH prouve que le cloud souverain n’est pas forcément un cloud financé par l’Etat quand il refuse le dictat d’Apple d’obéir aux lois américaines. Inutile donc de favoriser la concurrence dans ce marché déjà ultra-concurrentiel : c’est simplement contre-productif à l’époque du redressement productif.

La période est à la recherche de compétitivité dans un marché mondialisé, mais dès qu’Internet est impliqué on fait tout à l’envers. On finance des baudruches en ignorant nos réussites, on protège des modèles économiques dépassés au prix des libertés publiques, on cherche à dresser des lignes Maginot numériques tout en nous expliquant que dans le “vrai monde” on ne peut pratiquement rien faire pour Gandrange, PSA, Florange et Sanofi, et on se tire des balles fiscales dans le pied de la croissance des nouvelles technologies.

On fait n’importe quoi. On joue à contre-temps. Le libéralisme a sans doute permis une croissance sans précédent dans le commerce des biens physiques, mais la crise économique montre qu’il y a atteint ses limites. Et plutôt que d’en revenir, là où ce serait nécessaire, on voudrait le bannir là où il démontre son utilité ? Ces choix politiques sont dépassés, dépourvus de toute cohérence, sans vision d’avenir, sans autre projet que celui de favoriser ses amis. Tout le démontre.

Pitié, pitié, achevez ces dinosaures délirants. Depuis la chute de la comète Internet, ils souffrent trop.


Photo par Matt Carman [CC-byncsnd] modifié par Ophelia Noor avec son aimable autorisation.

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http://owni.fr/2012/10/25/on-acheve-bien-les-dinosaures/feed/ 67
[C/Data] L’immigration en chiffres http://owni.fr/2012/10/08/cdata-limmigration-en-chiffres/ http://owni.fr/2012/10/08/cdata-limmigration-en-chiffres/#comments Mon, 08 Oct 2012 07:00:35 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=124347 Owni illustre l'actualité par la data. Cinquième épisode de la série, ce petit film sur l'immigration en chiffres pensé pour faire réagir l'invitée de l'émission Marine Le Pen, Présidente du Front national.]]> Script de la vidéo :

Commençons par une définition : pour l’Insee, est “immigré” toute personne étrangère née à l’étranger et résident en France et ce, à vie ! Même ceux qui acquièrent la nationalité française par naturalisation, ils étaient plus de 143 000 en 2010 (143 275 acquisitions de la nationalité française 2010 : 62% par naturalisation, 4% par réintégration, 16% par déclaration anticipée, 15% par mariage, 3% autres), restent “immigrés” dans les chiffres.

Pour beaucoup, l’immigration est par nature “clandestine”. Sauf que, par définition, aucun chiffre vérifié ne permet de quantifier ces entrées illégales en France : les estimations vont du simple au double, de 200 à 400 000 immigrés clandestins seraient sur le territoire (Immigration clandestine en France = 200 000 à 400 000 personnes).

On peut regarder du côté des reconduites à la frontière, mais là aussi leur nombre varie beaucoup selon que l’on parle de la France métropolitaine ou des territoires d’outre-mer. (reconduites à la frontière en 2010 : France Métropolitaine : 28 000 – DOM : 35 000 dont 26 000 uniquement à Mayotte)

Le prix, lui, de ces expulsions est conséquent : plus de 20 000 euros par personne exclue du territoire français.

Regardons maintenant le flux majoritaire : l’immigration légale. Plus de 5,4 millions de personnes en 2009 (Immigration légale en 2009 : 5 433 000 personnes) qui sont venues en France pour trois raisons principales : le regroupement familial (46%), les études (28%) et la recherche de travail (10%). (humanitaire 10%, divers 6%).

Cela représente 8,4% de la population française. Une proportion qui n’a guère augmenté en 30 ans : en 1975 déjà, 7,4% des habitants de l’hexagone étaient nés étrangers à l’étranger, soit 3,8 millions de personnes à l’époque.

Dans les années 1990, ces flux migratoires provenaient majoritairement d’Europe (51%), Allemands, Italiens et Portugais en tête, alors qu’un tiers venaient d’Afrique (29%), principalement d’Algérie et du Maroc. La tendance c’est aujourd’hui inversée : l’Afrique devance légèrement l’Europe (Afrique : 42% en 2009, Europe : 38%) où Portugais, Italiens et Espagnols restent les plus nombreux.

Reste que les immigrés ne sont pas que de simples voyageurs : une fois en France, ils consomment, travaillent et prennent leur retraite. Souvent arrivés en âge de travailler, ils contribuent au budget de l’Etat à hauteur de 60 milliards d’euros via cotisations, TVA et autres impôts.

De l’autre côté, ils bénéficient de 48 milliards de prestations sociales (RMI, RSA, Sécu, CMU, etc.). Soit un solde bénéficiaire de 12 milliards dans les caisses de l’Etat.

La lutte contre l’immigration clandestine, elle, représente un budget annuel de 100 millions d’euros. Et là, ce sont les coûts qui incombent à l’Etat, les bénéfices, eux, étant répartis entre les sociétés privées qui commercialisent radars et vedettes pour surveiller nos côtes et frontières.


Sources :

Les chiffres Insee autour de l’immigration et des étrangers

Les flux migratoires selon l’Ined

Les coûts de la lutte contre l’immigration illégale

Un état des lieux par la Cimade


Retrouvez un film d’animation “C/Data” réalisé par Owni dans l’émission C/Politique sur France 5 chaque dimanche à 17h40.

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http://owni.fr/2012/10/08/cdata-limmigration-en-chiffres/feed/ 11
La terreur dans le miroir http://owni.fr/2012/10/05/la-terreur-dans-le-miroir-antiterrorisme-manuel-valls/ http://owni.fr/2012/10/05/la-terreur-dans-le-miroir-antiterrorisme-manuel-valls/#comments Fri, 05 Oct 2012 12:53:36 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=121593

En France, l’agenda de plusieurs années d’antiterrorisme triomphant devrait suffire à convaincre les responsables politiques de sa perversion, pour peu qu’il soit feuilleté.

Mais ce devoir d’inventaire-là n’est pas convoqué. La force des habitudes sûrement. Et donc depuis mercredi Paris annonce plein de confiance un renforcement de son “dispositif antiterroriste” – déjà le plus draconien d’Europe – par l’entremise du projet de loi proposé par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.

Depuis les lois de 1986 qui ont institué une justice d’exception pour sanctionner les crimes terroristes, jusqu’aux cinq dernières années au cours desquelles l’État a encouragé le développement d’une police secrète – la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – dotée de prérogatives et de moyens comme la France n’en avait pas accordé depuis 1945 à un service de sécurité intérieure, avec une belle régularité, le droit commun et des principes républicains ont été sommés de se tordre pour rendre l’antiterrorisme plus efficace.

Corses

Les rapports de la DCRI sur Anonymous

Les rapports de la DCRI sur Anonymous

Depuis un an, la DCRI enquête sur un collectif d'Anonymous dans le cadre d'une procédure ouverte au Tribunal de grande ...

Avec quels résultats. L’honnête citoyen a pu s’alarmer de cette calamiteuse procédure contre les militants d’extrême-gauche de Tarnac, un peu vandales – à la manière de ces syndicalistes abimant des voies ferrées pour marquer leur mécontentement – mais placés sous le coup des lois antiterroristes. Mêmes sentiments avec les procédures, plus récentes, contre des Anonymous. Sentiment qu’une justice d’exception dévisse.

Le même citoyen s’est montré incrédule, à raison, en découvrant ces missions hautement stratégiques menées par la DCRI consistant à identifier les sources des journalistes du Monde ou du Canard Enchaîné qui travaillaient sur des sujets agaçants aux yeux de l’Élysée.

Ou encore ces investigations financières révélant l’implication personnelle de Bernard Squarcini, patron de la DCRI, dans le fonctionnement du Wagram, un cercle de jeu parisien contrôlé par des criminels corses et connu pour sa capacité à dégager d’épaisses enveloppes de cash.

Quant au scandale Merah, il montre, au fil des semaines, l’ampleur des duplicités que s’autorise une telle police secrète qui sans craindre la confusion recrute ça et là, manipule tantôt autant qu’elle surveille parfois des personnalités susceptibles de verser dans la criminalité terroriste. Et avec une inquiétante régularité.

En décembre 2008 déjà, l’affaire Kamel Bouchentouf avait montré comment les agents de ce service secret incitaient des jeunes arabisants des cités à fréquenter des jihadistes, avant de les lâcher pour mieux ficeler par la suite des dossiers judiciaires les incriminant.

Cosmétique

Ce sombre tableau se voit parfois opposer un discours sur la notion de pertes et profits. Oublieux de la sentence de Benjamin Franklin – “Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre” – il tente de nous convaincre que l’efficacité de notre machinerie sécuritaire contre les “vrais” terroristes (supposant qu’il en existe des “faux”) compense les graves dérives des dernières années.

Réponses clés en main pour la DCRI

Réponses clés en main pour la DCRI

L'instruction du dossier antiterroriste du physicien Adlène Hicheur n'a pas été clôturée mardi. Nouvelle pièce au ...

Mais même là, il est permis de douter. Le procès le 5 mai dernier du physicien Adlène Hicheur, présenté comme un gros poisson par les cadors de la DCRI, a pointé de nombreux dysfonctionnements et une instruction judiciaire très orientée.

Avec un bilan aussi dramatique, une réflexion distancée sur l’ensemble du dispositif antiterroriste paraissait s’imposer après l’alternance de la présidentielle. En lieu et place, nous devrons donc nous satisfaire d’un nouveau texte supposé permettre d’interpeller de dangereux ressortissants français qui s’illustreraient à l’étranger mais pas encore sur le sol national.

Cette loi permettra d’incriminer un garçon – comme Mohamed Merah – parti s’entraîner dans un camp en Afghanistan ou au Mali. Opération de cosmétique bon marché pour rassurer l’opinion. Puisque plusieurs procédures pénales ouvertes en France ont déjà permis de mettre en examen des individus au motif qu’ils avaient séjourné en Irak, près de la frontière syrienne ou en Afghanistan en compagnie de jihadistes notoires, grâce aux multiples possibilités offertes par notre justice d’exception. Ils s’appellent Rany Arnaud ou Peter Cherif.

Rany Arnaud a été mis en examen et incarcéré en France le 20 décembre 2008 sur la base de ses drôles de périples en Syrie et de ses messages favorables à la guerre sainte postés depuis l’étranger sur un site dit islamiste dont les serveurs sont également situés à l’étranger. Même Moez Garsallaoui, régulièrement présenté comme un responsable d’Al Qaïda évoluant entre le Pakistan et l’Afghanistan, pourrait être appréhendé sur la base des condamnations prises par des tribunaux en Belgique et en Suisse.

Le sociologue Dominique Linhardt, auteur de plusieurs travaux sur la violence politique et sur les épreuves qui marquent la vie des États, appartient à cette génération de chercheurs en sciences sociales qui se sont penchés sérieusement sur l’antiterrorisme, en tant qu’objet social.

Économie

Avec d’autres, depuis plus de dix ans, il étudie l’économie du soupçon, propre à la lutte antiterroriste. Par essence, dans un champ juridique qui accepte la justice d’exception, celle-ci suppose de sans cesse installer dans l’espace social des capteurs permettant de discriminer les honnêtes gens des terroristes, ceux-ci ayant pour caractéristique principale de se dissimuler au milieu des paisibles citoyens et d’évoluer parmi eux.

26 ans de lois antiterroristes

26 ans de lois antiterroristes

Description en une infographie interactive de la mécanique antiterroriste française, mise en place en 1986 au lendemain ...

D’où la propension d’une telle démarche à multiplier les dispositifs de surveillance destinés à mettre au jour des menaces, coûte que coûte, puisque l’absence de menace identifiée, signifie que les terroristes sont partout.

Les dernières recherches de Linhardt portent notamment sur la manière dont les structures de l’État allemand ont réagi aux crimes de terrorisme perpétrés entre 1964 et 1982 (voir ici le pdf du compte-rendu de ses travaux). Le recul conféré par le temps et l’accès à des archives facilité par la fin de ces affaires permettent aujourd’hui, à travers le cas allemand, d’approfondir les réflexions sur ces enjeux. C’est-à-dire de réfléchir au-delà de l’émotion que suscite le terrorisme, telle que la provoquent, sciemment, les organisations criminelles ayant recours à ces tactiques terroristes.

Selon Linhardt, de manière évidente, la menace qu’exerce le terrorisme contre l’État “réside moins dans l’horizon d’une possible destruction [de l'État] que dans celui du sapement de sa légitimité”.

Le terrorisme ne devient une arme de guerre que si l’État et ses dirigeants le placent devant un miroir déformant, jusqu’à en transformer leur propre perception du réel, jusqu’à laisser se développer un sentiment de menace constant de nature à justifier autre chose qu’une société démocratique surveillée a minima. Le courage, c’est avancer quand on a peur.


Photo de Manuel Valls via la galerie flickr de fondapol [CC-BY-SA] remixée par Ophelia Noor pour Owni.

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L’argent caché d’Ennahdha http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/ http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/#comments Mon, 10 Sep 2012 15:26:29 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=119760

Le rapport de la Cour des comptes tunisienne sur les élections à l’Assemblée constituante renforce les soupçons quant à l’existence de financements occultes au profit du parti Ennahdha, sorti vainqueur de ce scrutin. Sur les 217 sièges à pourvoir, le mouvement islamiste en avait remporté 89 il y a près d’un an, le 24 octobre 2011.

Or, dans ce document de 168 pages, diffusé le 8 août dernier en langue arabe, les magistrats tunisiens livrent une analyse très critique des opérations financières qui ont pu mener à cette victoire.

Durant plusieurs mois, ils ont passé au crible les bilans comptables – quand ils les ont reçu – des 1 624 listes de candidats qui se sont présentées à travers tout le pays. D’abord dans le but de vérifier l’utilisation des 8,3 millions de dinars tunisiens (environ 4 millions d’euros) de financement public débloqués pour les différents partis, pour un pays comptant 7 millions d’électeurs.

Selon les éléments transmis par Ennahdha à la Cour, le parti aurait dépensé 400 000 dinars tunisiens (DT) pour ces élections, dont 171 000 DT au titre du financement public. Un montant qui ne semble pas convaincre plusieurs membres de la Cour, au regard du coût moyen de fonctionnement d’une liste. Tandis que 69 000 DT engagés par Ennahdha dans ces élections ont été justifiés par des factures non conformes.

En outre, onze listes Ennahdha en lice dans la trentaine de circonscriptions n’ont pas enregistré de dépenses liées à plusieurs manifestations publiques qui ont bel et bien été tenues. De même, huit listes Ennahdha ne présentent aucune dépense de transports, et dix-sept listes Ennahdha ne font figurer aucune dépense au titre de la communication électorale – laissant donc supposer que ces frais étaient supportés par d’autres structures.

Dans la même veine, la Cour note que les opérations au débit du compte bancaire d’Ennahdha ne comprenaient pas toutes les dépenses réalisées par le parti durant cette campagne. Autant de lacunes et d’incertitudes qui relancent les soupçons d’un financement en provenance d’hommes d’affaires et d’organisations islamistes basées dans le Golfe.

Au mois d’avril dernier, des Anonymous avaient révélé des milliers de mails des dirigeants d’Ennahdha, dont certains mettaient en évidence de curieuses discussions financières. À l’image de Kamel Ben Amara, élu d’Ennahdha, ancien membre de la Commission à l’énergie, qui semble disposer d’un compte ouvert dans une banque islamique du Qatar. Sur ces sujets cependant, les enquêteurs de la Cour se sont heurtés aux reliquats du système Ben Ali, qui ne fut pas vraiment conçu pour faciliter la transparence dans les choses de l’argent. Ils remarquent ainsi :

Les investigations sur le financement en provenance de l’étranger se caractérisaient par la longueur des procédures et la difficulté de suivre ces opérations puisque la douane se réfère au numéro de passeport pour suivre le bénéficiaire d’un mouvement financier en provenance de l’étranger, mais les banques utilisent le numéro de la carte d’identité nationale pour l’ouverture des comptes, empêchant ainsi un suivi automatique de telles opérations.
(Page 34)

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

En deux semaines, des Anonymous, avec lesquels OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 ...

L’hypothèse de financements étrangers venus remplir les caisses d’Ennahdha sort renforcée après cet examen par la Cour des comptes. Dans ce contexte, le 15 août dernier, l’Association tunisienne pour la transparence financière publiait un communiqué accusateur. Faisant en particulier référence à deux importants contrats confiés à des intérêts qataris ; l’exploitation de l’usine de phosphate de Sra-Ouertane, et la concession du marché de la raffinerie Skhira – confiée à Qatar Petroleum.

Ennahdha a répondu à ces diverses accusations lors de son dernier congrès. En promettant que ses ressources financières sont d’origine nationale. De manière plus détaillée, le parti a annoncé que durant la période de mars 2011 à juillet 2012, la totalité de ses ressources s’est élevée à 3,4 millions DT, pour 3,3 millions DT de dépenses.

Les autres formations politiques tunisiennes, dans leur apprentissage de la transparence, ne sont pas exemptes de reproches. Ainsi, Takatol, le parti du président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar a effectué des versements en liquide de 21 000 DT ce qui est interdit par la loi. Takatol a aussi dépensé 55 000 DT sous forme de dons et de cadeaux soit 11% de la totalité de ses dépenses alors que la loi n’autorise que 5% (page 50 du rapport).

Dans la phase de transition démocratique qu’il a connu, le législateur n’a pas encore fixé de sanctions en cas de fraude ou d’irrégularité dans le financement d’une campagne électorale. En cas d’absence de dossier comptable, la sanction maximale pour un parti présent dans toutes les circonscriptions n’est que 5 000 DT.


Photo d’un graff de Banksy par ESSG (CC-byncsa) remixé par Ophelia Noor pour Owni ~~~~=:)

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Microsoft programme l’école http://owni.fr/2012/08/27/microsoft-programme-lecole/ http://owni.fr/2012/08/27/microsoft-programme-lecole/#comments Mon, 27 Aug 2012 11:51:12 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=118473

Cette semaine, du 27 au 30 août, se déroule la 9e édition de Ludovia, une université d’été incontournable en France sur l’e-éducation. Elle réunit professeurs, chercheurs mais aussi politiques, jusqu’au ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, qui participera à une conférence. Parmi les partenaires de l’événement, Microsoft, le géant américain du logiciel.

En France, la firme de Redmond mène une intense campagne d’influence en direction des acteurs de l’éducation nationale, que nous avons reconstituée dans une [infographie à découvrir au bas de cet article].

La présence de Microsoft à Ludovia résume parfaitement sa stratégie qui consiste à se construire une légitimité pédagogique pour vendre des produits pour le moins controversés – prix élevé, logique propriétaire, volonté hégémonique, qualité contestable. “C’est comme si EDF avait un discours pédagogique sur les sciences physiques”, fulmine Marc, une personne du monde du logiciel libre, la bête noire de Microsoft. Anne, une enseignante, détaille leur tactique :

Ce qui les intéresse, c’est les décisionnaires politiques qui se déplacent sur les événements : à Orléans en juin, au Forum des Enseignants Innovants et de l’Innovation éducative, il y avait tout le staff de Peillon.

IIs font du lobbying surtout auprès du ministère. Les responsables du ministère de l’Éducation nationale ont beaucoup d’invitations : formations, réunions pédagogiques, etc.

Jean-Roch Masson, l’instituteur qui a le premier utilisé Twitter en classe de CP, et fut invité par Microsoft à Washington au Global Forum – Partners in Learning, complète :

J’ai demandé Thierry de Vulpillières [directeur des partenariats éducation chez Microsoft France, ndlr], qui m’avait invité à Moscou, l’intérêt qu’avait une entreprise comme Microsoft à inviter un enseignant utilisateur de Twitter, et pas forcément client chez eux, et sa réponse m’a convaincu : il a pris l’image d’un camembert, représentant l’ensemble des usages des technologies dans la société ; le but des forums n’est pas de faire grossir la part “Microsoft”, mais de faire grossir l’ensemble du camembert (= développer les usages par nos échanges et nos actions dans l’éducation). Mécaniquement, leur part grossira en quantité d’usage, et non en pourcentage au profit de Microsoft.

C’est à l’aune de cette analyse qu’il faut apprécier ce commentaire que Thierry de Vulpillières nous a fait :

La véritable problématique est là : comment contribuer à apporter des solutions à l’usage si faible des TICE dans le système éducatif français (24e sur 27 en Europe) et, plus encore, comment aider, par les TICE, à réduire la désaffection croissante des élèves envers le système éducatif tel qu’il fonctionne aujourd’hui (45% des élèves s’ennuient à l’école selon les études PISA.

Le mot-clé pour mener cette campagne d’influence : innovation. Microsoft s’associe, sponsorise, voire initie des projets touchant à la pédagogie dès lors qu’ils qui se veulent innovants. Clé de voute de cette stratégie, le programme international Microsoft Partners in Learning (PIL), doté d’un budget de 500 millions de dollars sur dix ans. Car Microsoft a les moyens de son lobbying.

Partenariat public-privé

Microsoft cajole de tels chevaux de Troie pour mieux convaincre le seul acteur qui compte au final sur son chiffre d’affaires : le décisionnaire politique. Avec succès  puisque une convention de partenariat a été signée avec l’Éducation nationale en 2003 et reconduite depuis. Microsoft n’est d’ailleurs pas le seul : Apple, Dell, Hewlett Packard, etc, en ont aussi signé une.

Un tel accord, c’est un sésame pour vendre ses produits en offrant la caution et la visibilité de l’instance supérieure en France en matière d’éducation. Il assure des tarifs très préférentiels aux établissements de l’Éducation nationale et aux collectivités territoriales qui, en France, gèrent les écoles primaires (commune), les collèges (conseil général) et les lycées (région) : “plus de 50%”.

Ces réductions sont d’autant plus bienvenues que les finances locales font grise mine et Microsoft surfe dessus. L’heure est au partenariat public-privé, et l’éducation est également séduite par ces délégations au profit du secteur privé. Extrait du texte de présentation de la page “collectivités territoriales” de Microsoft éducation :

Ces projets soutiennent l’évolution de l’École destinée aux élèves nés au XXIe siècle mais s’inscrivent également dans une démarche de rationalisation des dépenses publiques notamment éducatives. Vous voulez initier un projet nouveau et porteur en termes d’usages et d’images, contactez-nous !

L’Éducation nationale tire aussi la langue et Microsoft joue le généreux oncle d’Amérique. Notre enseignante analyse :

Les journées de l’innovation à l’Unesco sont largement financées par Microsoft, par exemple. Le ministère de l’Éducation nationale n’a plus les moyens de faire ça, d’avoir cette vitrine, ça nous permet d’avoir des forums, des réunions, des formations, Microsoft s’engouffre dans la brèche. Tout le monde y trouve son compte, profs et ministère.

Pro Microsoft

Certains partisans du libre estiment que l’Éducation nationale est devenue “pro Microsoft”, ce dont elle se défend :

Le ministère a toujours veillé à conserver une grande neutralité dans ses diverses relations avec les acteurs industriels avec lesquels il a des échanges réguliers. Microsoft est un acteur économique de premier plan et un partenaire important de l’Éducation nationale ; il est donc, à ce titre, invité régulièrement sur les sujets du numérique, comme les autres grandes sociétés et les représentants des syndicats professionnels.
Pour leurs projets internes, les équipes du ministère procèdent de façon systématique à l’évaluation des outils et des solutions existantes. À cette fin, et dans une démarche de veille technologique, il est naturel qu’elles s’informent par tous les canaux possibles.

C’est par exemple sur le territoire neutre du siège de Microsoft à Issy-les-Moulineaux que les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE), conseillers techniques des inspecteurs d’académie, avaient été convoqués par l’Éducation nationale l’automne dernier, dans le cadre de leurs journées annuelles, comme s’en étaient émus l’April, une association de défense du logiciel libre, et Framasoft, un site dédié au libre. Une demi-journée de réunion au cours de laquelle leur ont été présentés des produits du fabricant.

Et contrairement à la Grande-Bretagne où le Becta, qui conseille le gouvernement en matière de TICE, avait déconseillé Windows Vista et Microsoft Office 2007, on n’entend pas de critiques de front. A contrario, le ministère souligne qu’il a mis en place Sialle, le “service d’information et d’analyse des logiciels libres éducatifs” et “favorise l’interopérabilité et l’ouverture des systèmes d’informations.”

Quant à Microsoft, il renvoie la balle au ministère :

Ni omniprésence, ni absence, mais contribution au débat. Ensuite, il appartient aux pouvoirs publics de tirer les enseignements des éclairages objectifs et rationnels apportés par une pluralité d’acteurs dont Microsoft parmi d’autres.

Et de souligner que l’entreprise est “très attachée à la transparence dans la façon dont cette information est communiquée. C’est notamment le cas du  programme Partners in Learning grâce auquel Microsoft contribue à nourrir un échange autour des différentes expériences TICE des gouvernements de plus de 110 pays. Notre stratégie est fondée sur l’interopérabilité, l’ouverture, la transparence et le respect des données personnelles.”

Soft à tous les étages

Dans son entreprise de drague, Microsoft a l’intelligence d’avancer avec des mocassins plutôt qu’avec des gros sabots. À l’image de Thierry de Vulpillières, qui a d’abord été professeur de lettres. “Ce n’est pas un commercial pur, analyse l’enseignante, il a réussi à ne pas se mettre trop les fans du libre et de Mac sur le dos.” Pas trop… Car si Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques et créateur de Framasoft, le juge “intelligent et avenant”, il n’en démonte pas moins la machine Microsoft régulièrement. Jugement que ne démentira pas cette petite phrase glissée par l’homme parmi ses réponses à nos questions : “Puisque vous évoquez Framasoft, j’en profite pour  saluer le travail formidable que fait cette communauté dans l’éducation et son engagement pour le logiciel libre.”

Mais pour notre enseignante, l’entreprise pourrait avoir l’omniprésence beaucoup plus bruyante :

Ils font du lobbying à mort et ils ont un peu de mal à l’assumer. En France, la stratégie est de ne pas se mettre en avant, alors que c’est positif les forums par exemple.

Il faut effectivement parfois fouiller tout en bas d’un à propos pour découvrir que la société soutient Le Café pédagogique, un site de référence pour la communauté éducative. Contrairement à l’Éducation nationale…

De même, les enseignants ne sont pas obligés de se transformer en VRP, comme se réjouit Jean-Roch Masson, l’institwitter :

À partir du moment où j’ai su que je n’étais pas là pour propager la “bonne parole Microsoft”, j’ai vécu mes journées avec beaucoup d’enthousiasme et des envies d’échanges.

Je suis beaucoup plus proche des initiatives “libres”, où coopération et accessibilité prennent le pas sur logiciels fermés et commercialisation.

À moins que ce ne soit pas voulu, comme le sous-entend sa consœur Anne :

Ils aimeraient que les enseignants deviennent des commerciaux de la boîte mais ça ne marche pas.

Certains estiment que participer, c’est de toute façon jouer le jeu de la firme, ce que d’autres refusent, comme Sésamath, une importante association de professeurs de mathématiques, qui avait décliné une invitation au Forum des enseignants innovants.

Chiffre d’affaires mystère

Le résultat commercial sonnant et trébuchant, on ne le connaîtra pas : Microsoft refuse de les divulguer en arguant de la concurrence. Concernant les tarifs, le flou est de mise. Si l’accord cadre parle de 50% de réduction, d’autres offres sont proposées. Par exemple Office professionnel pro 2010 est à 8 euros au lieu de… 499 euros. Version PC et pas Mac. Un sacrifice apparent : les enseignants sont autorisés à l’utiliser chez eux, ce qui peut les inciter à vouloir le même environnement de travail à l’école, ce qui se traduit en licences site annuelles juteuses.

Il est d’autant plus impossible de faire une estimation du chiffre d’affaires qu’on ne connait pas la répartition du parc, comme nous l’a expliqué l’Éducation nationale :

Du fait de cette répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, le ministère ne dispose pas aujourd’hui d’éléments sur les parts des divers systèmes d’exploitation dans le parc d’équipements des écoles et des établissements scolaires.

Il doit être confortable si l’on en juge par la domination de Microsoft. La seule partie où le libre règne, c’est côté face cachée de l’informatique : “la quasi totalité du parc de serveurs du ministère de l’Éducation nationale fonctionne sous logiciel libre”, nous a détaillé le ministère. En revanche, “pour ce qui est du parc de postes de travail des services centraux et déconcentrés, la plupart des postes de travail fonctionne sous Windows.” Concernant les postes utilisés par les élèves, si on n’a pas de chiffres, la plupart sont sous Windows.

Les logiciels de travail constituent une autre source de profit, et en particulier les suites bureautiques, avec l’emblématique Office. Pas de données là non plus. On peut juste avoir une idée de ce que cela représente : Office domine, il y a environ 11 300 collèges et lycées en France, le cœur de cible de Microsoft, et pour un collège moyen de 500 élèves avec 5 élèves par poste et 50 “administratifs”, le simulateur de Microsoft indique qu’il en coûte 1 650 euros par établissement scolaire et par an.

Lobbying de plus en plus dur

Toutefois, le temps de l’hégémonie s’éloigne. “Leur lobbying est de plus en plus dur depuis trois ans”, glisse l’enseignante. Car le libre est de plus en plus mature pour une utilisation par le grand public, à l’exemple d’Open Office qui grignote du terrain. La région Poitou-Charentes a opté pour l’OS Linux, pour des raisons d’économie.

Mais dans un futur proche, la grosse concurrence pourrait venir de deux autres rouleaux compresseurs américains : Google, avec son Apps for education, qui est gratuit ; et Apple, qui a fait une keynote marquante en janvier dernier sur l’éducation, annonçant un ensemble d’outils utilisables dans un écosystème Apple bien sûr.

Drapé dans sa cape de chevalier blanc des TICE, Microsoft évoque lui sa “responsabilité sociale d’entreprise” :

La question de l’éducation est un enjeu majeur pour notre pays et sa cohésion sociale ! La démarche de Microsoft est d’apporter le plus grand nombre d’éléments d’information et de comparaison en faveur de l’éducation et des TIC. C’est notre responsabilité sociale d’entreprise ancrée dans son environnement et son écosystème que de fournir des outils de compréhension pertinents pour l’action et les décisions des décideurs.

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Illustration et infographie par Cédric Audinot pour Owni /-)
Développement par Julien Kirch

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Hacker 007 http://owni.fr/2012/08/17/hacker-007/ http://owni.fr/2012/08/17/hacker-007/#comments Fri, 17 Aug 2012 13:44:43 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=118123 Watchdogs, un des jeux vidéo les plus attendus de 2013. Un costume difficile à porter selon Olivier Mauco, docteur en science politique spécialisé dans les cultures numériques, car il pourrait camoufler l'activité des véritables hackers.]]>

Capture d'écran officielle de Watchdogs, jeu vidéo d'Ubisoft

Devenir un héros. C’est le nouveau rôle donné aux hackers dans Watchdogs, jeu d’Ubisoft à venir qui avait fait sensation au dernier E3, le plus grand salon mondial du jeu vidéo organisé chaque année à Los Angeles. Les joueurs pourront se glisser dans la peau d’Aiden Pierce, technophile super débrouillard et fondu de hacking.

Capable de déchiffrer des codes d’accès, de brouiller des caméras de surveillance ou encore de modifier la signalisation des feux rouges avec son smartphone, il détourne incognito les technologies disséminées dans le paysage urbain. Une vision bien éloignée de la vrai nature du hacking puisqu’Aiden Pierce se contente a priori d’appuyer sur des boutons, comme on peut le voir dans la démo du jeu :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le pirate devient alors aussi efficace que James Bond. Même si la menace potentielle que représentent les blacks hats, c’est-à-dire les cybercriminels de tout poil, suscite encore la méfiance des administrations, des entreprises et des géants de l’industrie informatique, le talent des white hats, des bidouilleurs bienveillants, est recherché : pour le Sénat français, leurs compétences sont même considérées d’intérêt public.

Pour Olivier Mauco, auteur du blog Game in Society , docteur en science politique et membre de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH) c’est la perception du hacking dans les représentations populaires qui a évolué : le pirate informatique n’a plus cette image de parasite qui lui colle à la peau, il peut désormais être un acteur de la société civile et défendre des causes, à l’instar de certains Anonymous. Il a analysé pour Owni cette nouvelle incarnation de la figure du hacker.

Un hacker peut-il être aujourd’hui un héros de jeux vidéo populaire ?

Olivier Mauco : La figure du hacker fascine depuis un moment au sein de la communauté geek. Il avait déjà été mis en scène au cinéma, notamment dans le grand classique War Games où un adolescent qui pense jouer à un jeu vidéo est sur le point de déclencher la troisième guerre mondiale. Plus globalement, le pouvoir de la technologie est une composante classique des films de science fiction, l’intelligence artificielle Skynet dans Terminator en est l’exemple le plus frappant. La glorification de la figure du hacker est une tendance de fond et non une véritable nouveauté.

Les hackers ont enfin fait cracker le Sénat

Les hackers ont enfin fait cracker le Sénat

Enfin ! Le dernier rapport du Sénat sur la cyberdéfense montre un changement net de regard sur la communauté des hackers. ...

Toutefois, la culture du hacking s’est démocratisée grâce à la simplification des outils et à la nouvelle image véhiculée par les hackers après Wikileaks et le mouvement Anonymous. L’internaute lambda ne sait pas lire le code ou ne sait pas ce qu’est un langage informatique, il ne maîtrise pas la technique mais il aime l’interaction, le rapport direct avec les machines.

Dans Watchdogs, le héros va jusqu’au bout de cette interaction et prend le contrôle grâce à des outils technologiques. Ce hacker pirate est effectivement un héros de jeux vidéo en puissance mais il n’est qu’une représentation fantasmée du hacking. Ce qui est véritablement nouveau ici est l’aboutissement du processus d’identification à un héros qui est traditionnellement anonyme et généralement peu connu et surtout peu apprécié du grand public.

Watchdogs est un GTA-like, un genre souvent décrié pour sa violence. Les hackers risquent-ils d’être stigmatisés ?

Bien sûr, le hacker que l’on peut contrôler dans Watchdogs n’est pas un hacker ordinaire, il peut manier des armes et a des capacités physiques et intellectuelles dignes de faire de lui un héros. Les potentielles réactions négatives des parents des joueurs de Watchdogs ne constituent cependant pas le principal problème pour la communauté hacker. Là où elle peut être stigmatisée, c’est dans son rapport avec la société civile.

Alors que le hacker se place volontairement en dehors du système, il doit maintenant s’employer à le changer. Il devient ici un chien de garde au service des libertés et non d’un parti ou d’une institution. Il ne s’agit pas de remettre en cause le monde occidental mais de donner une nouvelle image du pirate, plus investi, plus en phase avec des réalités triviales. Il y a une nouvelle reconnaissance de l’action, et ainsi une nouvelle responsabilité.

Une responsabilité à vocation politique ?

C’est la notion de pouvoir qui est au centre de la question. Le hacking repose sur une question de plate-forme alors que le politique relocalise l’action. Dans le premier domaine, l’on cherche à diffuser une nouvelle information, à se réapproprier un message, à détourner des signaux. Dans le second, l’on cherche à représenter une population, à agir en son nom. Le hacking est une action politique, c’est-à-dire engagée, relevant d’une opinion ou d’une vision de la société mais n’est pas une action relevant de la vie politique traditionnelle, reposant sur un modèle vertical où le pouvoir est cloisonné et transférable.

L’institutionnalisation et l’organisation propre au système politique n’est pas adaptée à l’éthique du hacking car elle impose un cadre indépassable. Les hommes et femmes politiques actuelles ne semblent pas non plus prêts à apprivoiser totalement cette contre-culture comme on a pu le constater durant la dernière campagne présidentielle. L’UMP et le PS n’ont encore qu’une vague notion de ce qu’est et représente le numérique. Plus récemment, Fleur Pellerin a dit vouloir combattre la neutralité du net car l’Europe n’a pas appris à penser en termes de réseaux.

Le Parti Pirate pourrait-il en tirer bénéfice ?

La seule glorification de l’hacktivisme ne suffirait pas à donner un nouveau souffle politique à ce parti mais elle aurait le mérite de rendre visible son action et de redonner une signification plus concrète à ses attentes. Elle permettrait aussi de mettre au premier plan des débats essentiels à propos de la neutralité du net et des libertés numériques en général. Reste que cette structure n’est pas non plus pensée comme plate-forme mais comme une organisation.

De toute façon, il est réducteur d’associer tous les hackers sous la même bannière, qu’elle soit culturelle ou politique d’ailleurs. La politisation du hacker ne va pas de soi, ce qui lui importe c’est de pouvoir apporter sa voix au chapitre, de donner de nouvelles clefs de compréhension du monde numérique, culturel, politique.

Le hacker est-il alors condamné à être le seul maître d’un savoir faire ?

Tout le dilemme est là : il faudrait instituer la liberté individuelle et la masse au sein d’un même mouvement alors que le hacker n’est qu’une figure abstraite et non le représentant d’un groupe. Il n’est pas non plus voué à être érigé en modèle.

Encore une fois, c’est la notion de plate-forme qui importe ici : le hacker ne fait pas partie de l’organisation politique du pouvoir, il ne cherche pas la légitimité ou une position dominante puisqu’il s’intéresse à un partage horizontal de l’information et des savoirs.


Olivier Mauco analyse régulièrement la place des jeux vidéo dans la société sur son blog.

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Rebooter les villages http://owni.fr/2012/07/16/rebooter-les-villages/ http://owni.fr/2012/07/16/rebooter-les-villages/#comments Mon, 16 Jul 2012 09:45:18 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=116190

La sainte trinité du hackerland.

Ces deux univers étaient faits pour se rencontrer, s’aimer, s’aider : les hackers et ce qu’on pourrait appeler les zones rurales autonomes. Et quand ils se fondent, cela donne un hackerland, comme celui qui se développe depuis cinq ans dans le Centre, au lieu-dit Conques-Bas, à quelques kilomètres de Bourges. Ce week-end, ses membres organisaient la deuxième édition de leur festival, Electronic pastorale. “La première édition avait été organisé pour fêter l’arrivée d’Internet”, se souvient Loul, une des habitantes.

Car le lieu a d’abord rassemblé une poignée de personnes qui voulaient vivre en autosuffisance, constituer un collectif au maximum “résilient” : trois gars du coin et pas des Parisiens en mal de retour à la Nature comme le Larzac en a vu tant passer. Jérôme, Pierre et Antoine, que les zones commerciales et l’Entreprise ne font pas rêver.

Alors, ils ont acheté deux hectares et, partant de ce rien de terre, ont construit pas à pas “un village”. Et pas une communauté, ils y tiennent. Pantalon de travail et bottes, des éclats de boue jusqu’à la ceinture, assis sur un vieux canapé récupéré sous la serre, Jérôme revient sur le terme :

J’ai fait un DUT de gestion des entreprises et administrations avant de partir un an en Irlande, j’ai étudié l’habitat écologique et les écolieux.

Les soixante-huitards ont échoué en voulant tout mettre en commun. Il faut tirer les leçons. Il ne faut pas se leurrer, nous sommes tous différents.

Le village mélange donc des lieux de vie en commun – comme la cuisine qui prévient d’un retentissant coup… de conque qu’il est temps de se régaler -, et des espaces privées, en l’occurrence des yourtes qui abritent maintenant une dizaine de personnes. Au passage, débarrassons-nous d’un préjugé : en hiver, les occupants ont très voire trop chaud, grâce au poêle central.

Éloge de la do-ocracy

Depuis leurs débuts, ils ont entendu tous les noms d’oiseaux planants : “hippies”, “tarte aux fleurs”, “allumés énergétiques”, etc. Sauf qu’ils ont les pieds bien sur terre. Pas de grands plans sur la comète mais une approche pas-à-pas : “On ne se fixe pas de limites, explique Loul, on voit au fur et à mesure.”

Non, la vaisselle ne se fait pas toute seule, chacun prend ses responsabilités et fait la plonge.

Et sur leur chemin, il leur arrive de se tromper. Eh bien ce n’est pas grave, les erreurs sont fructueuses. Pas non plus de plan fumette-envolées éthérées. Si le débat fait partie de l’essence du projet, un discussion trimestrielle baptisée “où va-t-on ?” vient même d’être mise en place, il est indissociable d’une charge de travail hebdomadaire médéfienne. Jérôme, surnommé d’ailleurs “la pile” en raison de son activité digne du lapin Duracell, s’amuse :

Quand j’ai commencé le maraîchage bio, certains avaient mis ma tête à prix, on m’a dit que je ne tiendrais pas deux ans, cinq après je suis toujours là. La valeur travail compte beaucoup dans le monde paysan, on me respecte maintenant, ils voient que je suis au travail à huit heures, et jusqu’à 19 heures.

Même s’il arrive surtout pour le moment“à s’endetter” , plaisante-t-il, et que c’est difficile, au moins s’est-il lancé avec ses deux amis, eux les trois Rmistes que les banques auraient renvoyé poliment mais fermement à leurs aspirations. Et déjà heureux comme “de prouver que c’est possible”. Ce n’est pas le beau potager rempli de tomates, de fraises, de panais, de haricot, d’oignons, de maïs, etc. qui dira le contraire. En attendant les champs de blé : “on a fait un test non concluant, à retenter… “

Il est libre, le pixel

Rejet des systèmes tout-emballés, résilience, éloge de l’entraide et du partage combiné à un respect de l’individu, valorisation du faire sur le dire incantatoire (la do-ocracy), importance de l’erreur dans les processus d’apprentissage (le learning by failing), goût pour la bidouille et la récupération, fonctionnement horizontal, autant de termes qui sonnent doux aux oreilles d’un hacker.

La serre abrite aussi un établi. Alexandre Korber, du hackerspace parisien le tmp/lab, s’occupe de l’imprimante 3D, un modèle RepRap autoréplicant.

Et comme ces néo-villageois n’ont rien contre la technique, contrairement à certains courants dans leur mouvance, la convergence se fait petit à petit, poussée par Loul et son compagnon Tom. Le couple fait en effet de l’informatique, fier tenancier d’un “petit commerce de pixels de proximité”. L’appartenance à l’univers des hackers est revendiquée sur leur site professionnel :

La pixelerie utilise exclusivement des logiciels libres et publie son travail sous les licences GPL, Creative commons, Art Libre.

Le terme hacker désigne quelqu’un qui s’approprie ou crée une technologie et participe à son augmentation. Contribuer au logiciel libre est une pratique hacker qui ne doit pas être confondu avec les “crackers” ou pirates informatiques.

Depuis leur arrivée voilà un an et demi, ils connectent les deux mondes, donnant corps auvillage planétaire de Marshall Mc Luhan. L’Internet est donc arrivé par satellite, depuis décembre 2010, en attendant un réseau WiFi maillé (“mesh”), moins capricieux. Utile pour trouver des conseils, documenter les projets… ou commander de bon vieux livres papiers instructifs. Des AOC (ateliers ouverts à Conques), autrement dit des open ateliers, ont aussi été mis en place chaque jeudi soir pour monter des projets en fonction des besoins locaux. Loul détaille leurs ambitions :

L’idée est de collaborer avec les agriculteurs et les maraîchers. À terme, nous aimerions faire un robot pour tracer les sillons et un système de serre automatisée. C’est dur de les faire venir, mais quand ils sont là, ils sont intéressés.

L’objectif est de travailler ensemble, de recréer du lien social, pas de faire du business.

Une des yourtes venues de Mongolie où vivent les habitants du village

Parmi les lieux collectifs, une “yourte numérique” est aussi à disposition, pour “se connecter, faire ce que l’on veut avec son ordinateur”, résume Loul. Bien sûr le matériel est sous Linux et une Pirate Box est installée, cet outil portable qui permet de partager des fichiers en toute liberté et de chatter grâce à un réseau local WiFi.

Hackerspace de campagne

La prochaine grosse étape, c’est la mise en place d’un hackerspace, un espace de travail dédié à la bidouille créative chère aux hackers. Pour l’heure, le bâtiment est en cours de construction, dans le respect de l’éthique du village. Coût global : 6 000 euros. Après avoir songé un instant passer par Ulule, la plate-forme de financement participatif, ils ont préféré y renoncer : avec un budget plus confortable, ils n’auraient pas forcément fait les choix les plus économiques, diminuant les possibilités de reproduire le projet.

À l’exception de la dalle de béton, c’est du DIY (do-it-yourself, fais-le toi-même)  : ils monteront des murs de paille, une technique ancestrale, avec le concours d’un agriculteur qui leur prêtera sa moissonneuse-batteuse pour qu’ils fassent eux-mêmes leurs ballots. Les tuiles ont été obtenues grâce à du troc. Intéressé pour utiliser le futur lieu à l’année, le tmp/lab, le premier hackerspace installée en région parisienne, met aussi la main à la poche et à la pâte. Un de ses membres, Alexandre Korber, le fondateur d’Usinette, qui apporte la fabrication numérique domestique partout où sa camionnette passe, est ainsi venu avec une RepRap. Cette imprimante 3D open source est autoréplicante, c’est-à-dire qu’elle peut fabriquer les pièces qui la constituent. Ça tombe bien, il n’y a pas encore d’imprimante 3D à Conques.

La voiture de Jacques Gagnereaud, dit Gajac, le rédacteur de l’Ecolibriste, le “bulletin de liaison” de l’APARTE.” APARTE, pour Association de promotion et d’animation sur les réflexions et les témoignages écologiques, dont le slogan est “vivre mieux dans un univers sain, naturel et fraternel”. Le bonhomme ne considère pas ses voisins comme des “tarte aux fleurs” ou des “allumés énergétiques”.

L’ouverture est prévue en janvier si les dieux du bricolage sont cléments. Le matériel à disposition sera orienté local bien sûr :

On y trouvera des technologies pour faire des machines qui servent à la campagne, pour travailler la terre, faire de la poterie.

Le monde de demain

Actuellement, les hackerlands sont un phénomène émergents. Pour Loul, il ne fait aucun doute qu’ils vont se multiplier :

On tend vers de plus en plus de liens. De toute façon, des gens vont y être contraints économiquement, alors autant y aller de soi-même.

Un des murs de la cuisine collective affiche la couleur : en résistance !

Jérôme renchérit :

La solidarité et les organisations sociales fortes, qui dépassent les obligations législatives, sont déjà présentes dans des villages des environs, de façon naturelle, ils font de l’open source (rires). De même dans certains quartiers des grandes villes. De nouveaux rapports sociaux se développent, pas forcément de façon consciente. Certains commencent à s’organiser pour cette résilience.

C’est obligé d’en passer par là, les gens ne se disent pas bonjour, ils prennent le métro en faisant la gueule, ils rentrent chez eux. Ceux qui ne sont pas encore tout à fait endormis vont réagir, il va y avoir un choc.

Qui sait, peut-être le ministre du Redressement productif deviendra-t-il dans quelques années celui de la Simplification volontaire ? Pour l’heure, on est encore loin, et il faudrait que les hackerlands renforcent leurs liens, par exemple via un site du type hackerspaces.org, dédié aux hackerspaces. Jérôme entend aussi rendre le mouvement plus visible quand ils seront prêts à sortir du bois du pré, pour éviter une exposition prématurée qui leur nuirait au final. Toujours la politique des petits pas.

À voir aussi, la conférence que Philippe Langlois, le fondateur du tmp/lab, a donné sur les hackerlands lors du dernier festival du Tetalab, le hackerspace de Toulouse :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies au mobile par Sabine Blanc pour Owni et bidouillée par Ophelia Noor.

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