OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’édition française est-elle encore soviétique ? http://owni.fr/2009/11/22/ledition-francaise-est-elle-encore-sovietique/ http://owni.fr/2009/11/22/ledition-francaise-est-elle-encore-sovietique/#comments Sun, 22 Nov 2009 16:44:37 +0000 Pierre-Alexandre Xavier http://owni.fr/?p=5625 statues_flamboyantes1Antoine Gallimard vient de donner lors du Forum d’Avignon une interview au Figaro (le buzz média – Orange – Le Figaro) sur l’avenir du livre numérique. Encore une, dira-t-on. Mais cette fois, les termes employés par le patron de la prestigieuse maison d’édition rejoignent presque complètement les propos du patron de la maison Hachette, Arnaud Nourry, qui s’était exprimé quelques jours auparavant lors d’un petit déjeuner INA-Odéon. Les deux hommes, séparés par une barrière conceptuelle apparemment irréductible, semblent étonnamment proches l’un de l’autre sur la question du livre numérique.

Tous deux s’insurgent contre la concurrence déloyale que viennent leur faire les géants  de la distribution en ligne, à la fois par une véritable guerre des prix (Amazon), et par un non-respect assez prononcé du droit d’auteur (Google). Tous deux redoutent les dangers du piratage tel qu’ils l’ont vu atomiser le marché physique de la musique. Tous deux s’inquiètent de l’actuel taux de TVA à 19,6% appliqué en France sur le livre numérique. Enfin ils semblent d’accord sur le fait de présenter un front uni, c’est-à-dire une plate-forme unique (ou des plate-formes interopérables) face à la concurrence anglo-saxonne.

Dans ce concert consensuel d’appels à la raison et à la défiance vis-à-vis de la révolution numérique, nos deux compères fustigent également le terrifiant Google Books et son accord américano-américain excluant le reste du monde (Le cas par cas étant plus facile à traiter quand on a la taille de Google plutôt que de devoir faire face à une fronde de tous côtés). Et en cela, Antoine Gallimard et Arnaud Nourry ont bien raison. Car Google est une machine de guerre bien entretenue et parfaitement équipée pour écraser n’importe quel concurrent sur son passage au jeu traditionnel de la confrontation juridique. Faute d’une véritable cohésion, l’édition française pourrait bien rapidement manger son pain noir et reculer sur tous les fronts à la fois.

Cette extraordinaire similitude entre les discours est inquiétante. Elle laisse entendre que les éditeurs-distributeurs français n’ont pas de discours propre, singulier, réfléchi sur la situation. Aucun n’a anticipé cette situation pourtant visible depuis plusieurs années. Enfin pas un seul des grands groupes d’édition française n’a daigné écouter les voix de ceux et celles qui prédisaient cette révolution en menant des expériences d’édition sur le terrain. D’où une étonnante incapacité à répondre de manière efficace aux problématiques actuelles et surtout de répliquer intelligemment à l’arrogance de Google et de sa filiale française.

La symétrie des discours pose un autre problème de taille, celui de la représentation que se font les grands de l’édition française de leur monde. Outre le paternalisme patent dans le discours des deux PDG vis-à-vis de l’édition indépendante, il y a cette agaçante collusion avec les appareils de l’Etat français qui seraient comme garants de la suprématie des français sur le péril étranger. Il y a là comme un soviétisme mou mais insurpassable qui lie l’institution et les éditeurs, et ce malgré la démolition progressive et discrète du CNL et de la DLL. La culture en France aurait un représentant officiel, le ministre. Et celui-ci défendrait les droits commerciaux des éditeurs (essentiellement les happy few qui tiennent le marché de la distribution). D’ailleurs, le ministre n’ a-t-il pas demandé sa part du gâteau du Grand Emprunt pour financer, à hauteur de plus de 750 millions d’euros, la numérisation du patrimoine culturel. N’est-ce pas là la réponse du berger à bergère ?

Cette étonnante ressemblance avec les dispositifs soviétiques de financement de la culture du défunt empire socialiste russe est frappante à la fois par les objectifs avoués (protéger la production nationale) et par le fonctionnement (conserver l’exclusivité et la supériorité nationales). Et c’est cet appareil déloyal du point de vue de la concurrence interne et externe qu’attaquent les tenants de l’économie globale de manière directe et indirecte.

Comme tous les appareils soviétiques, les dispositifs français se constituent en dehors de la demande et des attentes du public et surtout en marge de tout dialogue ou de toute possibilité d’intervention de ce même public. Les institutions et les grandes maisons jouent au jeu de la patate chaude, faisant des effets d’annonces pour démontrer leur bonne volonté commune, mais tout cela au détriment les acteurs sous-représentés de la profession (les éditeurs indépendants, les « petits ») et surtout au détriment des auteurs d’un côté et des lecteurs de l’autre.

En fait, plutôt que de mobiliser les quelques 3 000 maisons dites « indépendantes » au travers d’une politique plurielle, sectorielle et d’envergure menée par le SNE, les « grands » préfèrent la stratégie éculée du white washing. Ils montrent patte blanche, criant au loup, proposant chacun leur plate-forme de distribution, imitant à la perfection les modèles anglo-saxons et espérant que l’institution publique se chargera de verrouiller le marché et de tuer la concurrence étrangère. De cette manière, Google et les autres devront négocier avec un Etat souverain (et s’exposer à une extension de la confrontation aux relations internationales avec les Etats-unis). De leur côté, les « petits », les auteurs, les libraires et les lecteurs devront se résigner à la perpétuation du monopole de quelques uns sur un marché juteux.

statue_romaineLes risques d’une telle posture protectionniste, qu’elle soit française ou européenne, sont nombreux.

En tête, celui de voir la population des lecteurs migrer progressivement, sur une période de dix ans, vers des contenus gratuits en langue anglaise. Ce risque est d’autant plus grand que la France mène une politique de contraction et de coupes budgétaires sur les institutions culturelles à l’étranger (Centre culturels et Alliances françaises) qui ont fait son rayonnement pendant plus d’un siècle. L’invasion culturelle anglo-saxonne sera alors presque totale. Après les secteurs du cinéma, de la musique et de la télévision, le livre qui formait une sorte de dernière ligne de défense sera soumis à la dictature de la culture anglo-américaine. Dans un contexte européen, seuls les espagnols tireront leur épingle du jeu, car ils disposent d’une forte culture littéraire au niveau mondial et surtout d’une représentation déterminante sur le sol américain.

Le deuxième risque est de voir la guerre des prix et la balkanisation de l’offensive de Google complètement asphyxier les petites maisons d’édition et les librairies. Plus d’une sera tentée de rejoindre les géants et de s’écarter des modèles traditionnels français pour adopter les modèles parallèles dématérialisés. Si pour la plupart le gain en frais fixes sera une aubaine, ils seront cadenassés par les CGU de ces mastodontes qui ne s’encombrent ni du droit moral de l’auteur, ni d’une politique culturelle de prix unique du livre. Seules les grosses structures pourront résister aux chocs successifs qui s’accompagnent de l’inéluctable numérisation du monde scientifique, des publications scolaires, des parutions spécialisées en droit, en finance, en comptabilité, en informatique… Mais aussi tout le secteur pratique et touristique qui est salement mis en échec par l’arsenal des applications pour smart phones. Autant de niches qui disparaîtront définitivement des offres de l’édition classique.

La troisième menace sera, comme le craignent Antoine Gallimard et Arnaud Nourry, le piratage systématique et parfaitement incontrôlable par les dispositifs policiers voulus par les lobbies de la musique et du cinéma (HADOPI). Le piratage sera la solution première chaque fois que l’offre légale ne sera pas disponible, comme le démontre le rapport de Mathias Daval publié par le MOTif. Et dans l’incapacité de faire fi d’une chronologie des sorties de livres (d’abord en papier, puis en numérique), les maisons d’édition de tailles intermédiaires seront mises à mal sur les derniers pans de leurs métiers.

D’autres risques liés à la diversité des méthodes de référencement et d’archivage des publications, à la lenteur de la numérisation des fond patrimoniaux, à l’absence de politique cohérente et unifiée sur la gestion du patrimoine culturel, et au rôle des bibliothèques viendront aggraver les difficultés des maisons d’éditions et des groupes de distribution du livre. Seuls, des entités à niveaux multiples et à forte composante financière comme Hachette Livres et comme Editis-Planeta, disposant d’une réelle dimension internationale, pourront restructurer leurs actifs et prendre une part sur les marchés du livre numérique à un niveau mondial. Cela se fera dans la douleur de devoir couler quelques fleurons de l’édition française du vingtième siècle.

Antoine Gallimard et Arnaud Nourry ont raison de se méfier des hordes barbares numériques. La révolution numérique en marche comporte de nombreux périls. Mais ces derniers proviennent essentiellement de la marge de manœuvre laissée aux nouveaux entrants et surtout au manque de clairvoyance et d’anticipation dont font preuve les grosses maisons, persuadées comme les tribuns romains d’antan que l’Empire était inaltérable… Sic transit gloria mundi.

Il est temps pour les décideurs de se réveiller et de travailler, au delà des représentations et des clivages traditionnels, avec les acteurs du terrain. Ils sont ceux et celles qui effectuent le travail de fourmi et disposent de données et d’expériences propres à mettre en échec les tentatives hégémoniques des colosses aux pieds d’argile que sont les Google, les Amazon et autres du monde numérique. La révolution numérique change énormément de choses périphériques mais finalement peu de l’essentiel, et cela les patrons de grandes maisons, assis la-haut dans leurs perchoirs ont tendance à l’oublier…

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#Hadopi : arrête de ramer … t’attaques la falaise http://owni.fr/2009/09/08/hadopi-arrete-de-ramer-tattaques-la-falaise/ http://owni.fr/2009/09/08/hadopi-arrete-de-ramer-tattaques-la-falaise/#comments Tue, 08 Sep 2009 16:45:05 +0000 Jean Michel Planche http://owni.fr/?p=3312

Bon, vous l’avez lu un peu partout, Fredo est à la manoeuvre.
On le sait, il n’aime pas les vacances. Il s’ennuie et nous a donc concocté, pendant nos congés, de quoi sortir de l’ornière avec #Hadopi et pour le moins, de quoi écrire un nouveau chapitre : #Hadopi3.

Alors quoi de neuf ? Comment commence l’histoire ?

Le troisième opus de la série démarre par un changement d’interlocuteurs. Exit les Christine Albanel, Riester, Tardieu and co. Il faut prendre des gens que l’on ne peut pas soupçonner de ne pas savoir de quoi ils parlent et pire de parti pris.

Ainsi on va prendre un producteur, mais pas un grand, cheville ouvrière de quelques world company. Monsieur Nem était déjà dans les deux précédents épisodes, on craignait une lassitude des spectateurs.

C’est donc à Patrick Zelnik de se voir confier la “mission“.
On ne pourra pas dire qu’il roule pour les gros, on apprend que sa maison de disque représente (que ?) 5% du marché du disque français et (que ?) 12% de la musique classique. Bon point, c’est un intello du sujet et non un excité de la star academy. Cela se voit d’ailleurs dans ses tenues vestimentaires et ses chaussures, qui semblent d’un classicisme (débrayé), de bon aloi. Ca change !

Ca change, mais cela ne va pas. Il ne faut pas non plus faire dans la sortie du Lions Club de Feucherolles. On va finir pas ne pas y croire. On est dans le fun, flute !
Patrick (vous permettez que je vous appelle Patrick), puis-je vous conseiller, d’aller voir mon camarade Gérard Sené : l’architecte d’homme. (photo de gauche) Il va vous travailler le look et vous allez ringardiser Monsieur Sushi. Il faut vous construire médiatiquement. Il faut que vous arrétiez la lumière et les caméras. Il faut que l’on ne voit que vous. Si vous faites une conférence avec notre spécialiste de la cuisine asiatique, vous devez crever l’écran !!
En plus, demandez à Gérard le joli tee-shirt qu’il porte. Je suis sûr que vous allez faire des envieux. Vous déminerez ainsi tous les pièges de ces absolutistes de l’Internet … on a les mêmes (Tee-shirt) ;-)

Mais revenons à la mission. Mission est d’ailleurs le bon mot, tant le sujet est compliqué et qu’il va falloir travailler du cigare au ministère. Plus il y aura de fumées, moins on y verra clair et surtout, plus on fermera les yeux parce que le cigare … ca pique (les yeux) …

Et parce que Frédo doit quand même être un peu “cadré”, on lui a collé un petit nouveau … mais pas un total inconnu : M. Toubon, ancien ministre de la Culture. C’est dire s’il connait le sujet !
Il sera très utile pour surveiller que l’on ne fasse pas entrer trop de produits “interdits” ou d’idées subversives rue de Valois et tenter de canabiser canaliser les délires, ou pour le moins, tirer la sonnette d’alarme. Ne manque plus que Léotard et Bayrou et … ca va faire mal !

En tous les cas, je suis rassuré.
On prend le problème par le bon bout, avec les bonnes personnes !

Il manque toujours le plus important dans le dispositif :

> il n’y a toujours aucun consommateur ou association de … internaute ou pas, de 7 à 77 ans … le marché quoi …

> il n’y a toujours aucun artiste directement. On passe pas les maisons de disques pour comprendre ce qu’ils veulent.

> Et il n’y a toujours aucun “entrepreneur du Net et de la chose numérique (mais qui oserait se mouiller dans cette affaire), c’est à dire des gens généralement AGILES, capables d’inventer là où les autres ne voient que des solutions convenues et apportant une culture différente : USER CENTRIC et non NETWORK CENTRIC !

En tous les cas, on a le déroulé de la situation :

> on va essayer de sortie de la tranchée (sic)

> il y aura d’abord des mesures de régulation (sic)

> il y aura aussi des mesures réglementaires et probablement des mois

> il y aura des solutions qui seront apportées à chaque type de consommation et de diffusion

> Ce sera assez sophistiqué

> Et en même temps, ces mesures pourront tenir sur deux pages

> Et on formulera tout cela au plus tard au début du mois de Novembre

Et en attendant, on va essayer de nous marginaliser, après les 5 gus dans un garage, voici les absolutistes du Net. Là vous vous trompez Monsieur Mitterrand. Je n’ai même plus envie de vous appeler amicalement Frédo. Cette stratégie de vouloir caricaturer à l’extrême, ne va conduire qu’à une encore plus grande opposition et vous en sortirez encore plus mal.
Oui nous sommes nombreux à revendiquer notre “absolu” d’un Internet LIBRE, OUVERT et NEUTRE. Oui, nous sommes encore plus à vouloir une société basée sur des valeurs USER CENTRIC et non NETWORK CENTRIC.

Si tel est l’absolu, alors, c’est le mien et je n’ai pas peur de le dire.
Par contre, j’ai bien peur que vous ne tombiez dans la caricature. Je ne pense pas que quelqu’un d’aussi intelligent que vous disiez cela par hasard. C’est donc par construction malhonnête, plus que par bêtise ou absence de connaissance du dossier. C’est moins grave alors, car cela se soigne si le mal est pris à temps. (avant la discussion au Sénat ou à l’assemblée Nationale)

Et comme tout cela va encore prendre du temps à beaucoup de gens (y compris à moi). Qu’il y a une grande chance pour que cela ne soit ni fait, ni à faire.
Que de toute façon on s’en moque car il suffit de protéger 4 gros navets qui font l’essentiel du chiffre … le reste ne vaut rien puisque cela n’intéresse personne (Pascal Nègre, université d’été du Medef 2009).

Donc :

Soit on nous fout la paix et on laisse faire le marché, les lois qui ne sont pas si mal faites et les entrepreneurs qui trouveront les bons business models.
Soit on balance des bombes dans tous les PC de ces petits salopards du Net (#Loppsi2 ?) et on revient au Gramophone, pour le plus grand plaisir des maisons de disques : #hadopi4 ?

crédit photo : mon site préféré du moment : Nanarland … je ne me doutais pas comment le cinéma dans les années 70 avait TOUT inventé …

> Article initalement publié sur le blog de Jean-Michel Planche

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