A quoi pensent les protagonistes de la célèbre photo diffusée par la Maison Blanche ? Comment Barack Obama a-t-il pris sa décision ? Peter Bergen, journaliste spécialiste de la sécurité nationale pour CNN, le raconte dans “Chasse à l’homme. Du 11 septembre à Abbottabad, l’incroyable traque de Ben Laden” (Robert Laffont) dont Le Monde daté du 5 septembre publie des extraits.
[Survolez la photographie ci-dessus pour faire apparaître les pictos rouges pour les opposants au raid, verts pour ceux qui soutenaient l'idée. Cliquez dessus pour en savoir plus]
Aucun consensus ne se dégage dans l’entourage du président démocrate jusqu’aux derniers jours. Peter Bergen raconte en détails une réunion, le 28 avril, alors que de nouvelles informations renforcent le doute quant à la présence de Ben Laden dans le complexe d’Abbottabad. Trois positions se dégagent alors : ceux qui sont pour, ceux qui sont contre et ceux qui privilégient une frappe de drone.
Parmi les opposants au raid figure Joe Biden, le vice-président, pour qui l’incertitude est trop grande pour prendre le risque de perdre l’allié pakistanais. Il tranche, rapporte le journaliste :
Mon conseil, le voici : n’y allez pas.
Un autre personnage central s’oppose au raid : Robert Gates, le secrétaire à la Défense. Lui plaide pour “une option de type frappe chirurgicale” menée par un drone. Il est rejoint par le général Cartwright, le chef d’Etat-major adjoint des armées, et par le directeur national du contre-terrorisme, Mike Leiter.
Une écrasante majorité des conseillers soutiennent un raid des Navy SEALs. Notamment Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat, qui à l’issue d’un exposé technique et dépassionné lance :
Le résultat est très imprévisible, mais je dirais : Allez-y. Ce raid, lancez-le.
Ou encore un autre poids lourd de la lutte contre le terrorisme, le directeur de la CIA, Leon Panetta, qui estime que le fait de détenir “le meilleur faisceau de preuves depuis Tora Bora [les] met dans l’obligation d’agir”. Il est, entre autres, rejoint par John Brennan, assistant du président pour la sécurité intérieure et le contre-terrorisme, et le directeur du Renseignement national, Jim Clapper. Lucide, mais déterminé :
C’est le choix qui présente le plus de risques, mais à mon avis, le plus important, c’est que nous disposons d’yeux, d’oreilles et de cerveaux sur le terrain.
Le jour même, Barack Obama refuse de trancher. Il convoque à nouveau ses conseillers le lendemain, le 29 avril à 8h20, pour annoncer sa décision :
J’ai réfléchi : on y va. Et la seule chose qui nous en empêcherait, ce serait que Bill McRaven [le général à la tête du Joint Special Operation Command, NDLR] et ses gars considèrent que la météo ou les conditions au sol accroissent les risques pour nos forces.
Cette fois, la guerre est déclarée. Aux États-Unis, les lobbyistes d’Hollywood font pression pour l’adoption de réformes législatives prévoyant le filtrage et le blocage systématiques des sites soupçonnés d’encourager le piratage d’œuvres protégées. Stop Online Piracy Act (Sopa) à la Chambre des représentants, et Protect IP Act (Pipa) du côté du Sénat, les deux projets de lois ont pour objectif de renforcer (encore) les mesures de protection du copyright. Notamment en faisant disparaître de la toile, purement et simplement, les sites incriminés. Du côté des défenseurs des libertés sur Internet et des grandes entreprises du web, la résistance s’est organisée.
Déterminés à faire entendre leur point de vue sur ces lois qu’ils considèrent liberticides, de nombreux sites ont lancé un appel au “blackout d’Internet”. Sous le nom de code “Sopa Blackout Day“, certains sites se rendent volontairement inaccessibles ce mercredi 18 janvier. Ou afficheront en lieu et place de leur page d’accueil un message expliquant pourquoi les lois Sopa et Pipa menacent Internet. Une façon de protester qui n’a pas les faveurs du patron de Twitter, Dick Costolo, qui considère le mode d’action “stupide”et “incongru”.
Après l’agrégateur Reddit, le site d’informations Boing Boing, le moteur de blogs Wordpress, et le réseau Cheezburger, qui fait son beurre sur le dos du LOL et des chats, Wikipedia a rejoint le mouvement.
Jimmy Wales, le fondateur de l’encyclopédie en ligne, a prévenu les étudiants sur Twitter :
Étudiants, attention ! Faites vos devoirs en avance. Wikipedia proteste contre une mauvaise loi mercredi! #sopa
La version anglaise du sixième site le plus consulté au monde sera inaccessible ce mercredi. L’occasion de donner un écho international à cette lutte jusqu’alors cantonnée au réseau.
Le combat que livre la Silicon Valley à Hollywood n’est pour autant pas terminé. Le système législatif américain a cela de pratique qu’il permet d’introduire deux lois similaires dans chaque assemblée. Si l’adoption du projet de loi Sopa est remise en question, Pipa sera à l’ordre du jour des sénateurs dès le 24 janvier.
Côté Chambre des représentants, les députés américains semblent reculer sous la pression de la contestation, organisée notamment par les “geeks”. Sur le site de la Maison Blanche, une pétition en ligne réclamant un veto présidentiel à l’encontre de Sopa a recueilli plus de 50 000 signatures. L’administration Obama s’est prononcée contre un filtrage du réseau pour lutter contre le piratage :
Bien que nous pensons que le piratage en ligne [...] est un problème sérieux, qui nécessite une réponse législative forte, nous n’accorderons pas notre soutien à une loi qui réduirait la liberté d’expression, augmenterait les risques en terme de cybersécurité et entamerait un Internet mondial, innovant et dynamique.
Il semble que les experts de la Maison Blanche ont entendu les craintes des spécialistes du réseau, qui redoutaient notamment que le filtrage DNS n’atteigne l’architecture d’Internet.
Pour autant, la mobilisation reste de mise. Officiellement, Sopa n’est pas encore jetée aux oubliettes, et le Protect IP Act est quant à lui loin d’être enterré.
[MAJ 9h06]
Google a mis en ligne une infographie appelant à se mobiliser contre Sopa. Son directeur des affaires juridiques, David Drummond, explique dans un article de blog que Pipa et Sopa constituent une censure du web qui risquent de nuire au business.
Avant de commencer l’analyse de ces 65 000 tweets, on peut noter tout d’abord qu’encore une fois, Barack Obama s’est inspiré de Ségolène Royal, puisque la veille, elle répondait aux tweets utilisant le hashtag #QASR. Sans d’ailleurs se départir de son flegme face à des questions lui demandant si elle avait “le seum contre Martine” en disant :
C’est contre le chômage, les injustices, les précarités, les discriminations, etc, que “j’ai le seum”.
Retournons à la Maison-Blanche. Parmi ses 65 000 questions, un utilisateur de Buzz Feed a repéré les questions les plus “stupides”, souvent posées à Barack Obama par des membres des Tea Parties, lui demandant de produire à nouveau son acte de naissance.
"Où est le vrai certificat de naissance ?"
En temps réel, l’équipe de Twitter à la Maison-Blanche ne posait que les questions les plus partagées, celles ayant été le plus retweetées. Et pour les départager, Mass Relevance fournissait des outils de visualisations et de curation pour éviter les tweets déplacés, notamment.
La questions la plus retweetée concernait la marijuana (4911 retweets) rappelant l’activisme dont avait fait preuve ses soutiens lors de la création du Citizen Briefing’s Book pendant la période de transition du Président-élu. Activisme inutile, puisque le Président n’a pas répondu à cette question. En 2008, il avait signalé qu’il n’était pas en faveur d’une légalisation.
Ce que n’ont pas manqué de remarquer les analystes, c’est la teneur des tweets. Parlant principalement d’économie et de travail, les tweets ne jouent pas du tout dans la même cour que les questions habituelles des journalistes.
Les journalistes parlent-ils trop de politique alors que les citoyens s’intéressent eux des questions plus pragmatiques ?
Crédits Photo FlickR CC by-sa Geoff Livingston
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