OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’intellectuel français n’est pas mort http://owni.fr/2010/09/01/l%e2%80%99intellectuel-francais-n%e2%80%99est-pas-mort/ http://owni.fr/2010/09/01/l%e2%80%99intellectuel-francais-n%e2%80%99est-pas-mort/#comments Wed, 01 Sep 2010 09:00:27 +0000 Olivier Le Deuff http://owni.fr/?p=26628 L‘article sur la perte d’influence des intellectuels français et notamment sur les réseaux sociaux m’a intéressé à plus d’un titre. Je crois que le problème ne vient pas du manque de spécialistes français dans le domaine mais de deux obstacles principaux. Je m’attarde principalement ici sur les sciences humaines et sociales.

Premier obstacle de taille : la langue

C’est la principale raison pour laquelle les principaux « penseurs » et leaders dans de nombreux domaines et encore plus sur les thématiques du web sont anglo-saxons. Ils ont l’avantage du terrain. Vous publiez en anglais, votre potentialité d’influence et de relai est à peu près dix fois supérieure qu’en français. Vous vendez un ouvrage 1.000 exemplaires en français, son potentiel de vente est souvent 10 fois supérieur en anglais. De même, pour le nombre de visites sur les blogs. La réponse est donc évidente : il faut écrire en anglais en allant jouer sur un terrain extérieur. Mais bon, il va falloir s’y mettre. D’ailleurs, je suis persuadé que seul le multilinguisme défendra le français et les autres langues, et aucunement une défense stérile et chauvine. Au diable l’identité nationale qui est devenue du reste totalement inverse de la conception révolutionnaire qui faisait de la nationalité française une identité universelle et non pas une identité saucisson-TF1-Rolex.

Second obstacle : la difficulté de la pensée complexe et non dichotomique

Je note que la tendance est quand même au succès de pensée et de théorie parfois provocatrice et souvent proche du consulting. En clair, ce n’est pas toujours pleinement scientifique. Je songe par exemple à la théorie des digital natives et même à Clay Shirky qui joue souvent la provoc de même que Chris Anderson. Certes, ça fait bouger les lignes et réfléchir mais en aucun cas, rétrospectivement, c’est si génial et si cohérent. Mais leur objectif n’était pas scientifique mais davantage commercial et stratégique. Dans ce domaine, ils sont plutôt bons d’autant qu’ils sont de véritables praticiens prêts à innover.

Il est dommage qu’en France, le rapport soit assez dichotomique. Les discours positivistes sont souvent portés par des consultants ou des acteurs commerciaux. Leurs discours ne sont pas mauvais en soi, mais ce ne sont pas des discours émanant d’intellectuels proprement dits ou tout au moins de scientifiques. Je rappelle que la définition d’intellectuel suppose un engagement politique, ce qui ne signifie pas qu’on a pris en douce sa carte à un parti ou qu’on va chercher des enveloppes chez des mamies, mais qu’on prend position dans des discours et des écrits et notamment au niveau médiatique.

Mais c’est là, le problème, c’est qu’on ne convoque que dans ses sphères les penseurs les plus rétrogrades et anti-internet pour répondre aux discours branchés. Dès lors, la naphtaline fait pâle effet à côté. De même, il serait quand même important que les médias renouvèlent leurs prétendus intellectuels qui sont les mêmes depuis 30 ou 40 ans. La couverture du Nouvel obs sur les intellectuels français cette année aurait pu être la même il y a 20 ans…il faut dire qu’un Nouvel obs de 2010 ressemble à un Nouvel obs de 1990 : même rédaction, mêmes éditorialistes et… mêmes éditoriaux à quelque chose près. Mais les nouveaux acteurs médiatiques du web devraient peu à peu changer la donne.

Mais en général sur les grands médias, les discours les plus complexes sont moins entendus parce qu’ils ne sont pas médiatiques d’une part et parce qu’il suppose des capacités de réflexion et de pratique de la part de l’auditoire. Dans le genre, les fidèles de Jean-Pierre Pernaut ne peuvent pas suivre depuis longtemps même s’ils ont essayé de faire attention à la marche. Certes, la radio se démarque à ce niveau de la télévision du fait de journalistes compétents et plus engagés dans les médias sociaux. La télé à l’inverse poursuit son autarcie. L’évacuation d’Arrêt sur images est en ce point un exemple évident. Mais l’émission a sans doute gagné au final en pertinence et en puissance en passant sur le web.

Pensée conceptuelle et production scientifique normée

Revenons, donc sur l’obstacle de la complexité car il tend d’ailleurs à gagner du poids au sein des sciences humaines et sociales qui privilégient de plus en plus une simplicité d’étude et d’analyse dont les résultats ne seront qu’éphémères face à une pensée conceptuelle qui dérange ou est tout simplement incomprise. L’idéal devenant la production scientifique à peu près normée mais dont les conséquences scientifiques, politiques et éducatives seront nulles et donc sans risque.

Face à la pensée conceptuelle, l’argument méthodologique est alors utilisé comme seul contre-argument, qui place le discours scientifique conceptuel dans la lignée de l’essai. Il est vrai que la pensée complexe, celle qui mobilise autant concepts que des résultats est parfois inopérante aussi dans des articles trop brefs. En ce qui me concerne, j’ai une valise pleine de concepts qui fonctionnent ensemble, il est impossible de tous les convoquer dans un article et cela devient parfois difficile voire mission impossible quand il s’agit de les transposer en anglais.

En conclusion, l’intellectuel français ou francophone n’est pas mort, pas autant que le web au final (pour rappel après le web 2.0, le web 3.0, le web au carré, le web qui mène 3-1 contre le PSG, voici désormais le web mort-vivant qui se multiplie jusque dans vos frigos ce qui devrait inspirer Roméro ou Véronique C.) mais il n’est plus dans la presse classique et pas du tout sur les chaînes grand public même si Mister Affordance a failli y faire une apparition sur le nouvel ORTF.

Je crois aussi que l’intellectuel est surtout une identité collective, un réseau pensant (et guère dépensant d’ailleurs) qui produit des documents et des réflexions sous des modes différents.

Finalement, il faut différencier le fait de ne pas voir l’intellectuel et celui de le croire invisible. Bien souvent, le regard ne se porte pas aux bons endroits.

Voilà pour ce premier billet de rentrée. Je suis parvenu à rendre plus compliqué un problème qui l’était déjà à la base. Mais je crois que ça devrait la devise et le credo de l’intellectuel : montrer que lorsqu’un problème apparaît compliqué, c’est bien parce qu’il est encore plus en réalité.

Billet initialement publié sur Le Guide des égarés sous le titre “La perte d’influence de l’intellectuel français”

Illustration CC FlickR nilson, wallyg

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(R)évolution de la langue grâce au clavier:l’hybridation des codes http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/ http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/#comments Sat, 01 May 2010 09:16:18 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=13647 Un jour on reçoit un courrier électronique, que l’on appelle courriel, e-mail voire mail par paresse. Il semble rédigé dans une novlangue étrange. Et plutôt que de sauter au plafond d’étonnement, d’appeler l’Académie Française pour outrage ou encore de filer vers la Bibliothèque Nationale pour compulser dictionnaires et ouvrages de sémiologie, ma réaction fut différente et enthousiaste.

Il est effectivement temps de faire un petit point sur les nouvelles formes créatives et culturellement hybrides d’écriture et d’expression.

Voici le contenu :

De : Nicolas Voisin

A : [Enikao] & Alphoenix

Copie : Media Hacker

L’un de vous deux+trois ou les deux-1 *et j’y suis pour rien* {vous/tu/ne rédigerai/riez} pas 1 (billet /-) _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin -> parce qu’un jour lui aussi <- issu de la LOLculture et autres /b/ et #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

</plus j’y pense plus je me dis>

une bit.ly sur la bouche

(test Monoyer adapté : parlez-vous le geek ?)

Etonnante missive numérique de prime abord pour qui serait étranger aux codes d’Internet… mais qui m’a réjouit.

#Quandjaicompris le contenu de ce message

#Quandjaicompris le contenu de ce message qui mêle divers codes au sens propre comme figuré : langage HTML, smileys et symboles issues des messageries instantanées comme MSN et autres chats, #hashtag de Twitter, langage issu des forums et de 4chan… Il contient de nombreuses typographies du clavier, de celles que la génération des doigts (manettes de jeu vidéo, digicodes, claviers d’ordinateurs, concours de SMS et autres interfaces tactiles) aime à glisser dans ses textes tapés et qui ressemblent à du chinois pour le néophyte. Dans sa structure aussi, il diffère du français académique car ce message est dans une écriture non linéaire : en lisant de gauche à droite et de bas en haut on obtient des éléments contextuels dans un ordre inhabituel. Et effectivement, le langage de la génération LOL peut paraître déroutant au néophyte.

 (fossé générationnel de la contestation, allégorie de Michaelski)

Traduction dudit message dans la langue de Jean Ferrat :

Camarades, l’un de vous deux+trois ou les deux-1

Une idée me travaille depuis un moment </plus j’y pense plus je me dis> (fermeture d’une division en code HTML : vous voyez bien que ce morceau de texte à la fin doit être remis au début)

et de manière insistante *et j’y suis pour rien*

J’ai besoin de votre collaboration pour un exercice d’écriture éventuellement collective, selon les modalités de collaboration qui vous conviendront le mieux : seul, à deux ou trois mains. l’un de vous deux+trois ou les deux-1 {vous/tu/ ne rédigerai/riez} pas

Il s’agit d’un billet pour owni. un (billet /-)

Sous couvert de parler à la jeune génération dite « kikoolol », il s’agit d’analyser et de décoder les nouveaux usages linguistiques à destination de ceux qui les caricaturent. _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin

Il faudra donc recontextualiser -> parce qu’un jour lui aussi <-

et rappeler que les références culturelles, notamment numériques, humoristiques, parodiques voire fantasmatiques divergent. issu de la LOLculture et autres /b/

Nous glisserons tout ceci dans la rubrique « vague but exciting », n’est-ce pas ? #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

Je vous salue affectueusement, vous que je lis et que je lie. une bit.ly sur la bouche

C’était pourtant limpide, non ?

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule et l’ampleur du mouvement de pénétration d’autres cultures textuelles dans nos pratiques écrites des claviers. Petit panorama de ces nouveaux codes de langage, sans ordre particulier.

Le jargon de la grande volière volage Twitter entre dans des pratiques écrites voire orales : tweet-clash pour se brouiller avec quelqu’un, twitpiquer signifie prendre une photo avec son smartphone (et pas forcément l’envoyer sur Twitter, d’ailleurs), RT ou retwitter indique que l’on va répéter, faire suivre aux amis, fake pour indiquer une contrefaçon ou une fausse qualité. Par exemple un SMS contenant le message brunch l8 demain ? check 4², amis welcome, plz RT signifie Je pensais organiser un brunch demain matin tard, qu’en pensez-vous ? Pour le lieu consulter mon profil Foursquare. Tu peux venir accompagné et rameuter des copains, fais passer le message à qui de droit.

Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle.

Dans la vie courante, nous commençons à voir des acronymes venir coloniser d’autres univers écrits et même oraux. En particulier, les acronymes des forums et chats : le très répandu LOL (laugh out loud) et son pendant français MDR, mais aussi le bien franchouillot OSEF (on s’en fout), VDM (vie de merde) et son homologue anglophone LABATYD (life’s a bitch and then you die), les bien connus ASAP (as soon as possible) et BTW (by the way) que l’on croise souvent dans le monde professionnel, NSFW (not safe for work, sous-entendu : contenu à caractère pornographique), OMG/OMFG (oh my god/oh my f*cking god), AMHA/IMHO (à mon humble avis/in my humble opinion), WTF (what the f*ck), STFU (shut the f*ck up), RTFM (read the f*cking manual), AKA (also known as). Certains ont un peu disparu : ASV (Age/Sexe/Ville) et ASVP (avec une photo) n’ont plus de sens à l’heure où les réseaux sociaux affichent des profils complets et pas seulement un simple pseudonyme, ROFL (rolling on the floor laughing) n’a pas vraiment perduré mais son équivalent français PTDR (pété de rire) se trouve encore, BKAC (between keyboard and chair, sous-entendu : le problème n’est pas technique mais humain, sous-entendu : tu es une tanche) se fait plus rare, AFK/AFKbio (away from keyboard : je m’absente du clavier mais reste connecté, la précision “bio” indique que l’on satisfait un besoin biologique) également, TGIF (thank god it’s friday) n’a pas eu de succès dans l’Hexagone. Et bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

(RTFM : read the f*cking manual)

Le jargon des joueurs de jeux vidéo est aussi présent, sous forme d’onomatopées ou d’expressions dérivées insérées à l’intérieur de phrases : GG pour good game (bien joué), n00b pour newbie (débutant), pwnd/powned/pwn3d (tu t’es fait avoir, je t’ai battu), TK ou team kill (dommage collatéral), skin (habillage d’un avatar, ou plus largement la personnalisation d’une interface), roxer (dérivé de l’anglais it rocks, l’expression roxer du poney est devenue un classique et proviendrait du jeu Dark Age of Camelot), OOM (out of mana, à court d’énergie magique, pour indiquer que l’on est sans argent ou trop fatigué), loot (trouver quelque chose), être stuffé (être paré, équipé), ou encore faire level up ou gagner des XP ou PEXer (gagner de l’expérience, progresser) pour ne prendre que les plus courants et faciles à placer.

Le leet speak ou 1337 5|°34|<, langage qui substitue un caractère par une graphie similaire ou détournée (le 3 est un E à l’envers, le 2 est un R sans la barre verticale, le k se décompose en |<), s’introduit en partie dans les mots, pour quelques lettres, sans forcément effectuer un remplacement complet. Par exemple les comptes Twitter d’Electron Libre (devenu 3l3ctr0nLibr3) ou Owni (devenu 0wn1). Ces interversions constituent un marqueur social qui indique quelque chose comme : je suis technophile et appartiens à la culture Internet. C’est aussi un moyen de parler un langage codé que ne comprennent que quelques initiés : pr0n est une façon de parler (presque) discrètement de pornographie, en travestissant porn.

Plutôt que de répondre à quelqu’un qui vous agace “va te faire voir chez les endettés”, j’ai entendu récemment un camarade lâcher très nettement un bon “/rude” (lire slash rude), en référence aux commandes de gestes dans les jeux en ligne dits MMORPG (les fameux… meuporg /-) qui font faire à votre personnage un geste disons… injurieux. Les autres commandes ont un succès proportionnel à leur expressivité et à leur simplicité de prononciation /bow pour je m’incline, /wave pour je vous salue à la cantonade, /quit pour je dois vous laisser

Les images, dessins et textes en ASCII (American Standard Code for Information Interchange) consistent à faire un assemblage de caractères du clavier utilisant ce standard afin d’obtenir un graphisme, un peu sur le même principe que le canevas. Fréquent il y a 15 ans à l’époque où les pages ne permettaient pas de grande liberté de mise en forme, où le haut débit n’existait presque pas et où les images étaient rares, cela a disparu progressivement sauf pour les nostalgiques acharnés des contre-cultures du web qui y voient là une forme d’impressionnisme numérique. Les smileys participent de cette même idée.

(page d'accueil du site de hackers Cult of the Dead Cow, fin des années 1998)

Les smileys (et leurs variantes japonaises verticales, les kao moji) se glissent un peu partout dans les courriers électroniques, dans les billets de blog, dans les commentaires, dans les SMS… et jouent un rôle de ponctuation ou de nuance. On a par exemple des :’-( ou :-( ou :-/ oue encore T_T pour ça m’attriste, :-P pour notifier une espièglerie ou un caractère coquin, :-) ou ^_^ ou ^^ pour la joie, :-D ou XD pour la satisfaction à pleines dents, :-0 ou o_O pour l’étonnement, \o/ pour la victoire, la liste serait longue. L’usage des émoticônes a connu une belle expansion grâce aux salons de chat pour rajouter de l’expression de sentiment dans du texte jugé trop froid, les outils de dialogue en ligne comme ICQ, puis les messageries instantanées plus élaborées comme MSN Messenger et Skype ont fortement popularisé les émoticônes, de même que les téléphones mobiles grâce aux SMS. Notons que le symbole cœur <3 est un grand classique que l’on retrouve également sur les blogs, profils MySpace voire dans les conversations : comment va ton plus petit que trois ? pour comment va ton chéri / ta chérie ?

Certains textes utilisent sciemment les caractères barrés, par exemple le point 6 du manifeste Internet de journalistes web et blogueurs allemands affirme : Internet change améliore le journalisme. Ce n’est pas un barrage d’erreur, mais bel et bien une façon d’indiquer l’opinion dominante ou le préjugé pour le dépasser. Ici, il faut comprendre : Internet fait plus que changer le journalisme, il l’améliore ! Il est parfois difficile de distinguer l’ironie de l’erreur dans les textes barrés, mais justement leur schizophrénie les rend délicieusement ambigus et ce doute fait partie intégrante du texte lui-même. Alors que barrer à la main n’est qu’une rature. On perd du sens et du sous-entendu.

On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division <war>, sous-entendu Arrêtons la guerre.


Il peut paraître étonnant de trouver des morceaux de calcul mathématiques comme le célèbre +1 (qui n’a rien à voir avec le Plussain de Dofus) et sa déclinaison pour geek lettré, le verbe plussoyer. Signifiant je souscris pleinement à ton assertion, je te rejoins, il a le mérite d’être simple, court et efficace. Il permet aussi de compter le nombre de participants à un événement  _Je sors manger à la pizzeria du coin, qui vient ? _+1 ! Pour mettre de l’emphase on pourra également employer des +1000 et autres +∞ (symbole infini).

Les médias sociaux ont aussi leur part dans le changement de vocabulaire : il y a eu le fameux I’m blogging this il y a 5 ans qui n’a pas connu grand succès en zone francophone, mais en peu de temps avec le succès de Facebook et Twitter on a vu arriver dans les conversations et les échanges en ligne ça se twitte, ça se twitpique, j’aime/je like, on se poke on se rappelle, il m’énerve je l’ai désamifié.

#Quandjaicompris la spécificité structurelle des pianoteurs de clavier

La culture de l’écrit à la main laisse en apparence davantage de liberté, par le simple fait que les lignes, formes, traits n’ont de limite que l’imagination de celui qui tient l’instrument d’écriture. On peut songer aussi à des formes plus artistiques et originales, comme Apollinaire et ses calligrammes, ou les calligraphies arabes et japonaises qui sont des arts à part entière.

De son côté, l’écriture au clavier permet de développer des pratiques à plus grande échelle parce qu’il y a standardisation de l’écriture (une touche ou une combinaison de touches donne un caractère) autant qu’ouverture des possibles (chacun peut effectuer des compositions à partir d’un existant). L’écriture à la main ne procède pas de ce double mécanisme et ne facilite donc pas la réappropriation, la modification et la vie des codes d’écriture et de langage.

Il y a une dimension véritablement hiéroglyphique dans ces nouvelles formes d’écrits, par la simple utilisation de symboles qui apportent du sens par leur aspect graphique, et du contexte par les sous-entendus et présupposés culturels qu’ils impliquent.

#Quandjaicompris l’aspect mémétique de ces nouvelles pratiques

La théorie des mèmes de Richard Dawkins fait de nos esprits des supports de mémoire tout comme notre un corps est un support de patrimoine génétique, ainsi gènes comme mèmes font partie d’une famille plus grande baptisée “répliquants”. Mémétique et génétique partagent des processus similaires : reproduction, mutation, lutte pour la survie et parfois mort. Les mèmes sont des comportements sociaux qui tendent à se produire et à subir des modifications, ils participent à une culture commune et on compte parmi eux les mythes (et les religions pour les athées les plus militants), les proverbes, les comptines, la chanson Happy Birthday, l’humour de répétition, les images célèbres (Mona Lisa, les photos à la Warhol, l’iconographie des campagnes de propagande du début du XXème siècle), le symbole ♥ et tout un tas de pratiques et habitudes dont on ne se souvient jamais vraiment du moment où on les a adoptées. Le marketing viral s’appuie par exemple sur la puissance mémétique. Bien entendu, par le pouvoir de duplication rapide du copier/coller et les outils de retouche, et grâce aux médias sociaux permettant de propulser les contenus, Internet est devenu une formidable machine à mèmes humoristiques, des LOLcats à La Chute en passant par Captain Obvious et autres Chuck Norris Facts.

Les nouveaux codes de langage issus des univers numériques s’inscrivent directement dans cette perspective, à ceci près qu’ils ont aussi un rôle cathartique à jouer. Aussi, s’opposer de manière frontale à la réappropriation créative de la langue et critiquer l’intrusion de nouveaux codes au nom de la tradition (qui n’est parfois que le synonyme d’un conservatisme passéiste, irrationnel et figé) n’est sans doute pas le meilleur service à rendre à la langue de Bobby Lapointe. Bien sûr, on connaît des langues codifiées et figées, bien rigides, avec leurs gardiens du temple. Il s’agit d’ailleurs… de langues mortes.

Une langue vivante, au sens où on utilise cette expression dans l’enseignement, mute et évolue. Face à leurs voisins anglophones, nos amis de la Belle Province manient subtilement le travail normatif pour faire la chasse aux anglicismes inutiles et la traduction / adaptation : e-mail devient l’élégant courriel, chat devient le superbe clavardage. Quand la technique entre dans nos vies, il faut bien nous les approprier et donner un nom est un bon début pour cela : au début fut le verbe

Au-delà de la lutte contre une préservation cocardière de la langue de Serge Gainsbourg, qui participe d’un esprit de clocher bien gaulois de lutte contre l’envahisseur, il faut peut-être regarder l’aspect pratique. Car c’est bien l’usage qui fait l’innovation, pas l’invention. Une invention qui ne sert à rien devient rapidement un souvenir ou une pièce de musée, tandis qu’un usage qui se développe participe au changement. Le regretté Douglas Adams, auteur d’ouvrages de science-fiction burlesque proche des Monty Python et personnalité excentrique, avait entamé un travail avec le joueur de tennis John Loyd baptisé The meaning of Liff pour tenter de mettre des mot sur des expériences humaines bien connues mais qui ne portent pas encore de nom. Voilà qui est créatif, drôle (clunes : catégorie de gens qui ne partent jamais alors qu’on aimerait les voir partir, sconser : personne qui vous parle en regardant autour s’il n’y a pas quelqu’un de plus intéressant avec qui parler, thrup : faire vibrer une règle sur un coin de bureau en la rapprochant progressivement pour qu’elle fasse un bruit plus rapproché et sec), et surtout qui comble un potentiel manque. Ces mots sont créés pour indiquer une réalité jusqu’alors sans nom spécifique, et on se demande d’ailleurs bien pourquoi parce qu’elles correspondent à des réalités tangibles.

En un mot, on définit une idée parfois complexe, et c’est bien dans cet esprit hiérogplyphique ou idéogrammatique que se situent les codes venus du clavier. Ils rajoutent des couches d’information et disent beaucoup tout en étant économes en espace occupé. Du smiley au +1 en passant par les acronymes, on ajoute du sens aux signes en comprenant les codes venus de divers univers. C’est donc bien une langue, avec ses étymologies et ses usages grammaticaux. Et elle est vivante, elle évolue grâce à ses locuteurs.

Pour revenir à la missive d’origine, il devient évident qu’il ne s’agit pas de faire pour Owni un dictionnaire. Certains s’y attèlent déjà avec une certaine créativité et une justesse qui forcent le respect, comme le Dictionnaire du futur. Mais il n’en est pas question ici. Après ce que je viens d’écrire, figer les codes serait du plus beau ridicule. Aussi, en guise de conclusion, je vais simplement répondre au message d’origine. Comprenne qui pourra.

/lit/ > done {</body> & in the dark } \o/

Vraiment #OOM car *mine de rien* l00ter des pic et bit.ly ->pour faire de la pédagogie<- c’est nécessaire /-) mais |<20n0|°|-|463.

Kevin va pouvoir aider _sur des arguments solides AMHA_ la GenX à PEXer en #LOLculture. GG @Loguy 4 [JPEG]

</work> AFK.

8^)

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International Journalism Festival: ||”Sur Internet, you must think big” http://owni.fr/2010/04/26/perouse-internet-ijf10-think-big/ http://owni.fr/2010/04/26/perouse-internet-ijf10-think-big/#comments Mon, 26 Apr 2010 11:01:08 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=13478

Une certitude : le papier n'est pas l'avenir du journalisme

Je n’ai pu passer que deux jours au Festival International de Journalisme de Pérouse dont le programme a subi les contrecoups du « nuage de cendres islandais ». Plusieurs conférences ont dû être annulées, les intervenants n’ayant pu se déplacer, mais au final ces modifications demeurent marginales. Voici donc à chaud, les premiers enseignements que l’on peut tirer des débats auxquels j’ai assisté, sachant que je reviendrai en détails sur tout cela sur Media Trend et sur OWNI. Une journaliste amie, Federica Quaglia, racontera ici la conférence de Paul Steiger, le rédacteur en chef de Propublica.

Donc, quelques constats partagés, peu ou prou, par l’ensemble des intervenants, italiens comme étrangers, qu’ils soient ou non journalistes :

1 > la page du journalisme papier —dire maintenant print plateform—, se tourne. Et ce ne sont pas les seuls geeks où journalistes online qui le disent…

2 > le rythme de travail auquel sont soumis les journalistes professionnels conduit mécaniquement à une baisse de qualité de l’information. Seul garde-fou, l’organisation traditionnelle des salles de rédaction (trois niveaux de relecture au Financial Times, par exemple), mais pour combien de temps ?

3 > l’information est aujourd’hui le fruit d’un travail commun amateurs-professionnels.

4 > le data journalism a peut-être de beaux jours devant lui, mais les journalistes doivent passer par la case études et formation avant de prétendre utiliser et manipuler les données et autres statistiques.

5 > l’iPad ne sauvera pas l’ensemble des journaux et magazines ; c’est une niche dont seuls quelques-uns sauront profiter, et encore devront-ils respecter un « Apple way of life » très restrictif sur le plan de la liberté d’expression.

6 > le personal branding des journalistes devient un facteur stratégique, pour les sites de presse. C’est une des clés pour générer du trafic.

7 > l’information sur Internet est une commodity ; elle n’a pas ou très peu de valeur. Cette dernière se crée sur des « niches », mais aussi et surtout par le service.

8 > les barrières linguistiques sont parmi les dernières frontières à abattre sur le web. Traduction automatisée, traduction par des professionnels, par des amateurs ou systèmes mixtes, la situation évolue très rapidement. Les mainstream medias sont totalement absents de cette évolution, qui ouvre potentiellement d’immenses marchés.

9 > Sur Internet « You must think big » ; conseil d’orfèvre, car donné par le représentant de Google Italie. L’idée a été reprise dans d’autres débats : sur Internet, le marché n’est pas national.Il peut être hyperlocal, mais il est surtout mondial.

10 > la communauté est un élément fondamental pour un site. Un seul chiffre : le Huffington Post emploie plus de vingt personnes pour gérer les commentaires et la communauté!

À suivre…

Le site du Festival international de Journalisme de Pérouse est ici

Billet initialement publié sur Media Trend sous le titre #1 Pérouse: Dix premiers enseignements du Festival international de Journalisme

Photo CC Flickr Jonah G.S.

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