OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Quand les Simpson jouent aux scientifiques http://owni.fr/2011/04/30/quand-les-simpson-jouent-aux-scientifiques/ http://owni.fr/2011/04/30/quand-les-simpson-jouent-aux-scientifiques/#comments Sat, 30 Apr 2011 08:00:29 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=59754
Article publié sur OWNISciences sous le titre, La science vue par les Simpson


Pour les 20 ans des Simpson, Marge a posé dans Playboy alors que le sexe n’est qu’un thème très secondaire dans la meilleure série animée du monde. Par contre la science y est très présente, ce qui justifie amplement un article de Dr. Goulu, en plus des deux livres existant déjà sur le sujet.

Il faut dire que beaucoup d’auteurs d’épisodes ont des formations scientifiques, comme David X. Cohen, diplômé en physique à Harvard et en informatique à Berkeley. C’est à lui qu’on doit l’égalité 178212+ 184112 = 192212 devant laquelle Homer passe sans sourciller en entrant dans la 3ème dimension (séquence « Homer³ » de l’épisode S07E06)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais vous qui connaissez le théorème de Fermat selon lequel il n’existe pas de solution de l’équation an + bn= cn pour a, b, c et n entiers et n > 2, vous bondissez sur votre calculatrice et, ô stupeur, vous croyez l’espace qu’il existe un contre exemple invalidant la démonstration de plusieurs centaines de pages due à Andrew Wiles ! En réalité il s’agit d’un hommage à ce résultat impressionnant publié en 1994 quelques semaines avant l’épisode des Simpson, et il faut effectuer le calcul avec beaucoup de chiffres significatifs ou être assez observateur pour voir que l’égalité est fausse.

Médecins, inventeurs et vrais scientifiques

Les thèmes liés à la santé sont abondamment traités dans les Simpson : les médicaments et leurs effets secondaires, la fécondation assistée, la transplantation d’organes, l’obésité, les dépendances diverses, les épidémies, les OGM et toutes les problématiques possibles liées à l’alimentation. Les deux médecins de Springfield sont le Dr. Hibbert, qui abuse largement des assurances de santé, et Nick Riviera, un authentique charlatan qui vit des habitants qui en sont dépourvus.

A part les deux médecins, le professeur Frink est le seul véritable scientifique de Springfield. Inventeur complètement déjanté, sa productivité est exceptionnelle. On retiendra en particulier :

  • Le Citrobon, un bonbon au citron tellement acidulé qu’il doit être conservé à l’intérieur d’un champ magnétique.
  • Une fusée qui doit détruire une comète avant qu’elle ne s’abatte sur Springfield. Ça rate, mais la comète se désintègre avant l’impact grâce à la densité de la couche de pollution sur la ville. (S06E14)
  • L’enlèvement de Lisa, rapetissée à l’aide de son dégrandulateur (S07E06)
  • Un téléporteur, vendu à Homer pour 35 cents (S09E04)
  • Il a inventé le monstromètre, le glouglouteur, le canularscope, le surgrenouillateur, le délochnessateur.
  • Evidemment, une machine à remonter le temps (S06E06, S14E01)
  • Il invente le marteau qui fait tournevis de l’autre côté.
  • Il cryogénise son père et le refait revivre en remplaçant de nombreux organes vitaux par de l’électronique.
  • Il reçoit le Prix Nobel de Physique des mains de Dudley Herschbach, prix Nobel de Chimie 1986 (S15E01)

Le Professeur Frink

En effet, on trouve dans la série les avatars de véritables scientifiques, et non des moindres, qui ont de plus prêté leur voix à leur personnage. Outre Herschbach, il y a le paléontologiste Stephen Jay Gould apparait dans l’épisode S09E08 consacré au créationnisme, dont nous reparlerons plus bas.

Physique

Et surtout il y a Stephen Hawking, physicien cosmologiste, qui a dit des Simpson que c’était la « meilleure chose sur la télévision américaine ». Il a participé à trois épisodes (S10E22, S16E16, S18E20) , notamment en utilisant sa voix synthétique lors d’une discussion avec Homer sur la topologie en donut de l’Univers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans les Simpson, les références sont souvent très discrètes, à l’intention du public qui peut les percevoir, mais sans frustrer ou ennuyer les autres. Par exemple, la célèbre formule d’Einstein apparait dès le deuxième épisode (S01E02), où Maggie, un an, écrit MCSQU (MC squared, MC²) avec ses blocs de jeu.

De même lorsque Lisa construit une machine à mouvement perpétuel, c’est de façon très surprenante Homer qui la rappelle à l’ordre (S06E21)

Lisa, viens voir papa… Dans cette maison, on respecte les lois de la thermodynamique !

Le créationnisme

L’un des meilleurs épisodes de la série (S09E08) est consacré à cette plaie des États-Unis, qui s’étend désormais partout. Suite à la découverte d’un étrange fossile que le bigot Ned Flanders et d’autres Springfieldiens considèrent comme celui d’un ange, Lisa souhaite appliquer une approche scientifique. A cela Ned Flanders rétorque cette réplique mémorable:

Moi je dis qu’il y a des choses qu’on n’a pas envie de savoir, des choses importantes !

Lisa se retrouve au tribunal, accusée d’avoir abimé l’ange pour envoyer un échantillon à Stephen Jay Gould. Au moment d’être condamnée, l’ange s’envole… Si vous ne devez voir qu’un seul épisode des Simpson dans votre vie, regardez celui-là !

Environnement

Outre le nucléaire dont nous parlerons plus bas, les questions environnementales sont fréquemment abordées dans les Simpson. Souvent Lisa se préoccupe d’un problème grave, mais se retrouve seule contre tous ses concitoyens. Par exemple elle devient végétarienne (S07E05) alors que son cours sur la chaine alimentaire est pourtant clair.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Elle s’oppose aussi au pourtant très populaire et traditionnel massacre des serpents (S04E20), et se montre sceptique sur l’intervention humaine dans les processus naturels (S10E03) :

Skinner : Et bien, j’avais tort, les lézards sont une bénédiction !

Lisa : Je trouve que c’est prendre des risques. Qu’est ce qu’il se passera quand on sera envahis par les lézards ?

Skinner : Pas de problème, on lâchera des vagues de serpents aiguilles venus de Chine, ils extermineront les lézards !

Lisa : Mais avec des serpents se sera pire !

Skinner : Oui mais, on a prévu le coup. On a déniché une étonnante race de gorilles qui se nourrissent de viande de serpent !

Lisa : Et on aura les gorilles sur les bras !

Skinner : Non, c’est là qu’est l’astuce : quand arrivera l’hiver et le gel, les gorilles mourront de froid !

Lisa se rapproche même d’un mouvement écologiste radical (S12E04) pour sauver une forêt millénaire, avant de militer contre la pollution lumineuse (S14E16) qui l’empêche d’observer les étoiles. Brave petite !

Plusieurs épisodes des Simpson concernent le syndrome « NIMBY » (« Not In My Backyard ») : la société moderne requiert des infrastructures ou des services ayant des effets secondaires un peu désagréables, mais pourquoi les placer devant chez moi plutôt que chez le voisin ?

Le nucléaire

La centrale nucléaire de Springfield est le véritable poumon économique de la ville, et la source de la fortune et du pouvoir absolu de Mr. Burns. Dès le troisième épisode de la série (S01E03), on constate que le nucléaire influence jusqu’à la prière du soir d’Homer, (ir-)responsable de la sécurité de la centrale (S02E07) :

Seigneur, on vous est surtout reconnaissant pour l’énergie nucléaire, la plus sure et la plus propre de toutes les sources d’énergies, mis à part l’énergie solaire, mais ça, c’est du pipeau.

Évidemment, Springfield frôle plusieurs fois la catastrophe. On apprend même que le père de Smithers avait sacrifié sa vie pour sauver la centrale (S13E05). Homer, quant à lui, évite de justesse un accident majeur que sa fainéantise avait déclenché (S07E07), ce qui lui vaut les félicitations de Mr. Burns:

Homer, vous avez promptement réagi et fait d’un Tchernobyl un petit pétard radioactif foireux, bravo !

Lorsqu’apparaissent des poissons à trois yeux (S02E04) et que 342 manquements à la sécurité sont constatés, Mr. Burns fait la seule chose raisonnable pour éviter la fermeture de sa centrale : devenir gouverneur de l’Etat afin de changer la loi. Dans ce but il produit un clip électoral remarquable :

Burns : Oh ! Bonjour mes amis. Je suis Montgomery Burns, votre futur gouverneur. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de mon petit copain Nœnœil. Nombreux sont ceux qui le considèrent comme un horrible poisson mutant. Ceux-là sont bien loin de la vérité, mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Alors demandons à cet acteur qui campe Charles Darwin, ce qu’il en pense.

Acteur :Bonjour, M. Burns.

Burns : Bonjour, Charles. Soyez gentil, expliquez à nos téléspectateurs votre théorie de la sélection naturelle.

Acteur : Avec joie, M. Burns. Voyez vous, régulièrement, notre Mère Nature transforme ses animaux en leur donnant de plus grandes dents, des griffes acérées, des pattes plus longues, ou dans ce cas, un troisième œil. Et s’il s’avère que ces changements représentent une amélioration, le nouvel animal se développe, se reproduit et se répand bientôt à la surface de la Terre.

Burns : Ainsi, vous voulez dire que ce poisson pourrait être avantagé par son troisième œil ? Qu’on aurait affaire en quelque sorte à un super poisson ?

Acteur : J’aurais envie d’avoir un troisième œil. Et vous ?

Burns : Non. Vous voyez mes amis, si nos adversaires, les antinucléaires et écologistes de tout poil, venaient par hasard à tomber sur un éléphant en train de s’ébattre dans les eaux proches de notre centrale, ils mettraient certainement son pauvre nez ridicule sur le compte de la vilaine énergie nucléaire. Non, la vérité c’est que ce poisson au goût exceptionnel est un miracle de la nature. Alors pour conclure, dites tout ce que vous voulez sur moi. Je suis en mesure d’encaisser les coups les plus rudes. Mais, je vous en prie, cessez de vous en prendre à ce pauvre Nœnœil sans défense. Bonsoir. Et Dieu vous garde.

Selon Malaspina1, ce discours est « remarquable » par le fait qu’il est structuré selon les concepts de Peter Sandman, un spécialiste de la communication du risque connu aux États-Unis.

Sciences, techniques et business dans les Simpson

Comme le montre de façon très convaincante Marco Malaspina1 dans son livre, la science et les scientifiques sont souvent caricaturés dans les Simpson, mais l’approche scientifique des problèmes est plutôt valorisée, ou du moins opposée aux croyances et idées toutes faites, souvent ridiculisées.

L’inventivité et le sens pratique sont aussi permanents dans les Simpson. Valeur américaine entre toutes, il y a toujours une solution simple au problème le plus complexe. Et si ça cause des problèmes encore plus graves, d’autres solutions simplistes et absurdes s’imposent. Heureusement pour les Simpson, les problèmes se résolvent souvent tout seuls, d’une manière aussi inattendue qu’hilarante.

Dans les Simpson, les vrais problèmes viennent plutôt des (nombreuses) faiblesses humaines, et en particulier l’attrait de l’argent. Pour M. Burns, mais aussi pour la plupart des personnages jaunes à un moment ou un autre, la fin justifie les moyens du capitalisme le plus sauvage. On peut y voir une critique acerbe de la société états-unienne, mais soyons francs : nous nous retrouvons tous dans les Simspon. Peut-être est-ce ce qui nous fait rire si jaune…

Episodes

(la notation SxxEyy dénote l’épisode yy de la saison xx, le code entre parenthèses étant le code de production de l’épisode)

Liens sur le sujet

  1. « Science on the Simpsons », le blog de Paul Halpern
  2. simpsonsmath.com, par les professeurs de mathématiques Sarah Greenwald et Andrew Nestler
  3. Article « Matheux, les Simpson ? » sur Simpsons Park, le site de référence en français
  4. Dossier « Attention, les Simpson s’attaquent aux sciences » sur l’Internaute

>> Photos Flickr CC-NC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Profound Whatever et CC Paternité par JD Hancock.

>> Billet initialement publié sur Pourquoi Comment Combien et repris sur Knowtex.

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La science vue par les Simpson http://owni.fr/2011/04/22/la-science-vue-par-les-simpson/ http://owni.fr/2011/04/22/la-science-vue-par-les-simpson/#comments Fri, 22 Apr 2011 13:36:14 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=34639 Pour les 20 ans des SimpsonMarge a posé dans Playboy alors que le sexe n’est qu’un thème très secondaire dans la meilleure série animée du monde. Par contre la science y est très présente, ce qui justifie amplement un article de Dr. Goulu, en plus des deux livres existant déjà sur le sujet.

Il faut dire que beaucoup d’auteurs d’épisodes ont des formations scientifiques, comme David X. Cohen, diplômé en physique à Harvard et en informatique à Berkeley. C’est à lui qu’on doit l’égalité 178212+ 184112 = 192212 devant laquelle Homer passe sans sourciller en entrant dans la 3ème dimension (séquence « Homer³ » de l’épisode S07E06)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais vous qui connaissez le théorème de Fermat selon lequel il n’existe pas de solution de l’équation an + bn= cn pour a, b, c et n entiers et n > 2, vous bondissez sur votre calculatrice et, ô stupeur, vous croyez l’espace qu’il existe un contre exemple invalidant la démonstration de plusieurs centaines de pages due à Andrew Wiles ! En réalité il s’agit d’un hommage à ce résultat impressionnant publié en 1994 quelques semaines avant l’épisode des Simpson, et il faut effectuer le calcul avec beaucoup de chiffres significatifs ou être assez observateur pour voir que l’égalité est fausse.

Médecins, inventeurs et vrais scientifiques

Les thèmes liés à la santé sont abondamment traités dans les Simpson : les médicaments et leurs effets secondaires, la fécondation assistée, la transplantation d’organes, l’obésité, les dépendances diverses, les épidémies, les OGM et toutes les problématiques possibles liées à l’alimentation. Les deux médecins de Springfield sont le Dr. Hibbert, qui abuse largement des assurances de santé, et Nick Riviera, un authentique charlatan qui vit des habitants qui en sont dépourvus.

A part les deux médecins, le professeur Frink est le seul véritable scientifique de Springfield. Inventeur complètement déjanté, sa productivité est exceptionnelle. On retiendra en particulier :

  • Le Citrobon, un bonbon au citron tellement acidulé qu’il doit être conservé à l’intérieur d’un champ magnétique.
  • Une fusée qui doit détruire une comète avant qu’elle ne s’abatte sur Springfield. Ça rate, mais la comète se désintègre avant l’impact grâce à la densité de la couche de pollution sur la ville. (S06E14)
  • L’enlèvement de Lisa, rapetissée à l’aide de son dégrandulateur (S07E06)
  • Un téléporteur, vendu à Homer pour 35 cents (S09E04)
  • Il a inventé le monstromètre, le glouglouteur, le canularscope, le surgrenouillateur, le délochnessateur.
  • Evidemment, une machine à remonter le temps (S06E06, S14E01)
  • Il invente le marteau qui fait tournevis de l’autre côté.
  • Il cryogénise son père et le refait revivre en remplaçant de nombreux organes vitaux par de l’électronique.
  • Il reçoit le Prix Nobel de Physique des mains de Dudley Herschbach, prix Nobel de Chimie 1986 (S15E01)

Le Professeur Frink

En effet, on trouve dans la série les avatars de véritables scientifiques, et non des moindres, qui ont de plus prêté leur voix à leur personnage. Outre Herschbach, il y a le paléontologiste Stephen Jay Gould apparait dans l’épisode S09E08 consacré au créationnisme, dont nous reparlerons plus bas.

Physique

Et surtout il y a Stephen Hawking, physicien cosmologiste, qui a dit des Simpson que c’était la « meilleure chose sur la télévision américaine ». Il a participé à trois épisodes (S10E22, S16E16, S18E20) , notamment en utilisant sa voix synthétique lors d’une discussion avec Homer sur la topologie en donut de l’Univers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans les Simpson, les références sont souvent très discrètes, à l’intention du public qui peut les percevoir, mais sans frustrer ou ennuyer les autres. Par exemple, la célèbre formule d’Einstein apparait dès le deuxième épisode (S01E02), où Maggie, un an, écrit MCSQU (MC squared, MC²) avec ses blocs de jeu.

De même lorsque Lisa construit une machine à mouvement perpétuel, c’est de façon très surprenante Homer qui la rappelle à l’ordre (S06E21)

Lisa, viens voir papa… Dans cette maison, on respecte les lois de la thermodynamique !

Le créationnisme

L’un des meilleurs épisodes de la série (S09E08) est consacré à cette plaie des États-Unis, qui s’étend désormais partout. Suite à la découverte d’un étrange fossile que le bigot Ned Flanders et d’autres Springfieldiens considèrent comme celui d’un ange, Lisa souhaite appliquer une approche scientifique. A cela Ned Flanders rétorque cette réplique mémorable:

Moi je dis qu’il y a des choses qu’on n’a pas envie de savoir, des choses importantes !

Lisa se retrouve au tribunal, accusée d’avoir abimé l’ange pour envoyer un échantillon à Stephen Jay Gould. Au moment d’être condamnée, l’ange s’envole… Si vous ne devez voir qu’un seul épisode des Simpson dans votre vie, regardez celui-là !

Environnement

Outre le nucléaire dont nous parlerons plus bas, les questions environnementales sont fréquemment abordées dans les Simpson. Souvent Lisa se préoccupe d’un problème grave, mais se retrouve seule contre tous ses concitoyens. Par exemple elle devient végétarienne (S07E05) alors que son cours sur la chaine alimentaire est pourtant clair.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Elle s’oppose aussi au pourtant très populaire et traditionnel massacre des serpents (S04E20), et se montre sceptique sur l’intervention humaine dans les processus naturels (S10E03) :

Skinner : Et bien, j’avais tort, les lézards sont une bénédiction !

Lisa : Je trouve que c’est prendre des risques. Qu’est ce qu’il se passera quand on sera envahis par les lézards ?

Skinner : Pas de problème, on lâchera des vagues de serpents aiguilles venus de Chine, ils extermineront les lézards !

Lisa : Mais avec des serpents se sera pire !

Skinner : Oui mais, on a prévu le coup. On a déniché une étonnante race de gorilles qui se nourrissent de viande de serpent !

Lisa : Et on aura les gorilles sur les bras !

Skinner : Non, c’est là qu’est l’astuce : quand arrivera l’hiver et le gel, les gorilles mourront de froid !

Lisa se rapproche même d’un mouvement écologiste radical (S12E04) pour sauver une forêt millénaire, avant de militer contre la pollution lumineuse (S14E16) qui l’empêche d’observer les étoiles. Brave petite !

Plusieurs épisodes des Simpson concernent le syndrome « NIMBY » (« Not In My Backyard ») : la société moderne requiert des infrastructures ou des services ayant des effets secondaires un peu désagréables, mais pourquoi les placer devant chez moi plutôt que chez le voisin ?

Le nucléaire

La centrale nucléaire de Springfield est le véritable poumon économique de la ville, et la source de la fortune et du pouvoir absolu de Mr. Burns. Dès le troisième épisode de la série (S01E03), on constate que le nucléaire influence jusqu’à la prière du soir d’Homer, (ir-)responsable de la sécurité de la centrale (S02E07) :

Seigneur, on vous est surtout reconnaissant pour l’énergie nucléaire, la plus sure et la plus propre de toutes les sources d’énergies, mis à part l’énergie solaire, mais ça, c’est du pipeau.

Évidemment, Springfield frôle plusieurs fois la catastrophe. On apprend même que le père de Smithers avait sacrifié sa vie pour sauver la centrale (S13E05). Homer, quant à lui, évite de justesse un accident majeur que sa fainéantise avait déclenché (S07E07), ce qui lui vaut les félicitations de Mr. Burns:

Homer, vous avez promptement réagi et fait d’un Tchernobyl un petit pétard radioactif foireux, bravo !

Lorsqu’apparaissent des poissons à trois yeux (S02E04) et que 342 manquements à la sécurité sont constatés, Mr. Burns fait la seule chose raisonnable pour éviter la fermeture de sa centrale : devenir gouverneur de l’Etat afin de changer la loi. Dans ce but il produit un clip électoral remarquable :

Burns : Oh ! Bonjour mes amis. Je suis Montgomery Burns, votre futur gouverneur. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de mon petit copain Nœnœil. Nombreux sont ceux qui le considèrent comme un horrible poisson mutant. Ceux-là sont bien loin de la vérité, mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Alors demandons à cet acteur qui campe Charles Darwin, ce qu’il en pense.

Acteur :Bonjour, M. Burns.

Burns : Bonjour, Charles. Soyez gentil, expliquez à nos téléspectateurs votre théorie de la sélection naturelle.

Acteur : Avec joie, M. Burns. Voyez vous, régulièrement, notre Mère Nature transforme ses animaux en leur donnant de plus grandes dents, des griffes acérées, des pattes plus longues, ou dans ce cas, un troisième œil. Et s’il s’avère que ces changements représentent une amélioration, le nouvel animal se développe, se reproduit et se répand bientôt à la surface de la Terre.

Burns : Ainsi, vous voulez dire que ce poisson pourrait être avantagé par son troisième œil ? Qu’on aurait affaire en quelque sorte à un super poisson ?

Acteur : J’aurais envie d’avoir un troisième œil. Et vous ?

Burns : Non. Vous voyez mes amis, si nos adversaires, les antinucléaires et écologistes de tout poil, venaient par hasard à tomber sur un éléphant en train de s’ébattre dans les eaux proches de notre centrale, ils mettraient certainement son pauvre nez ridicule sur le compte de la vilaine énergie nucléaire. Non, la vérité c’est que ce poisson au goût exceptionnel est un miracle de la nature. Alors pour conclure, dites tout ce que vous voulez sur moi. Je suis en mesure d’encaisser les coups les plus rudes. Mais, je vous en prie, cessez de vous en prendre à ce pauvre Nœnœil sans défense. Bonsoir. Et Dieu vous garde.

Selon Malaspina1, ce discours est « remarquable » par le fait qu’il est structuré selon les concepts de Peter Sandman, un spécialiste de la communication du risque connu aux États-Unis.

Sciences, techniques et business dans les Simpson

Comme le montre de façon très convaincante Marco Malaspina1 dans son livre, la science et les scientifiques sont souvent caricaturés dans les Simpson, mais l’approche scientifique des problèmes est plutôt valorisée, ou du moins opposée aux croyances et idées toutes faites, souvent ridiculisées.

L’inventivité et le sens pratique sont aussi permanents dans les Simpson. Valeur américaine entre toutes, il y a toujours une solution simple au problème le plus complexe. Et si ça cause des problèmes encore plus graves, d’autres solutions simplistes et absurdes s’imposent. Heureusement pour les Simpson, les problèmes se résolvent souvent tout seuls, d’une manière aussi inattendue qu’hilarante.

Dans les Simpson, les vrais problèmes viennent plutôt des (nombreuses) faiblesses humaines, et en particulier l’attrait de l’argent. Pour M. Burns, mais aussi pour la plupart des personnages jaunes à un moment ou un autre, la fin justifie les moyens du capitalisme le plus sauvage. On peut y voir une critique acerbe de la société états-unienne, mais soyons francs : nous nous retrouvons tous dans les Simspon. Peut-être est-ce ce qui nous fait rire si jaune…

Episodes

(la notation SxxEyy dénote l’épisode yy de la saison xx, le code entre parenthèses étant le code de production de l’épisode)

Liens sur le sujet

  1. « Science on the Simpsons », le blog de Paul Halpern
  2. simpsonsmath.com, par les professeurs de mathématiques Sarah Greenwald et Andrew Nestler
  3. Article « Matheux, les Simpson ? » sur Simpsons Park, le site de référence en français
  4. Dossier « Attention, les Simpson s’attaquent aux sciences » sur l’Internaute

>> Photos Flickr CC-NC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Profound Whatever et CC Paternité par JD Hancock.

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Bulles et couleurs de l’espace http://owni.fr/2011/03/26/bulles-et-couleurs-de-l-espace/ http://owni.fr/2011/03/26/bulles-et-couleurs-de-l-espace/#comments Sat, 26 Mar 2011 09:00:12 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=53228

Il y a plus de choses dans le ciel et la terre, Horatio, qu’il est rêvé dans votre philosophie.

Je n’avais jamais commencé d’article par une citation de Shakespeare (Hamlet, Acte I, Scene V). Voilà qui est fait. La raison, la voici :

Photo : T. A. Rector/University of Alaska Anchorage, H. Schweiker/WIYN and NOAO/AURA/NSF

Vous admirez la “Nébuleuse Bulle de Savon” (PN G75.5+1.7 pour les intimes) découverte il y a trois ans par Dave Jurasevich à l’observatoire du Mont Wilson et indépendamment par Keith B Quattrocchi et Mel Helm, des astronomes amateurs bien équipés.

Cette bulle parfaitement sphérique de 5 années lumières de diamètre a été expulsée il y a 22 000 ans d’une étoile de la constellation du Cygne qui a eu un hoquet nucléaire. Lorsqu’une étoile épuise son hydrogène et s’étouffe dans l’hélium qu’elle a produit, elle s’éteint brièvement, s’effondre en se comprimant et se réchauffant. Si elle est assez lourde pour que la fusion de l’hélium s’amorce, elle se rallume. Une fois l’hélium fusionné en carbone et oxygène, elle s’éteint à nouveau. Si l’étoile est très massive, elle peut encore enchainer plusieurs cycles de plus en plus rapides et terminer son existence dans une spectaculaire supernova, mais beaucoup d’étoiles deviennent des naines blanches après la fusion de l’hélium, éjectant leurs couches externes dans l’espace, formant des nébuleuses (dite “planétaires” pour des raisons historiques). Mais il est très rare qu’elles aient une forme aussi parfaitement sphérique (sur 1500, je crois qu’il n’y en a qu’une seule autre : Abell 39)

Comment colore-t-on les photo d’astronomie?

Parlons maintenant des jolies couleurs bleu-orange de la photo. En fait elles n’existent pas. La photo originale de Dave Jurasevich est celle-ci:

Elle a été obtenue avec un temps de pose d’une demi-heure. On comprend pourquoi cette nébuleuse n’a pas été détectée plus tôt : elle est extrêmement peu lumineuse. Et on n’y distingue pas la moindre couleur pour la simple raison que les capteurs CCD sont par nature “noir et blanc”, ou plutôt détectent la lumière de toutes les couleurs . Nos appareils photo utilisent des “filtres de Bayer” qui colorient un pixel sur 4 en rouge, un autre en bleu, et les deux restants en vert parce que notre œil est plus sensible dans le vert, mais les couleurs du ciel nocturne sont bien différentes de celles de nos photos de vacances, donc il serait dommage d’atténuer la faible lumière céleste en la filtrant par des couleurs terrestres.

Les “couleurs” des astres chauds sont formées de raies spectrales typiques des éléments qui les composent, ce qui permet d’ailleurs de déterminer leur composition par spectroscopie. Par conséquent, les “bonnes” couleurs à filtrer en photographie astronomique sont celles des raies d’émission des atomes que l’on suppose être présents dans l’objet observé. L’hydrogène, élément de très loin le plus abondant dans les étoiles est un bon candidat, et en particulier sa raie H-α, qui correspond à un rouge vif. Pour notre nébuleuse, la raie de l’Oxygène III, dans le vert, s’est révélée un bon choix pour mettre en évidence la “bulle de savon”.

Les clichés pris successivement avec un filtre pour H-α et un filtre O-III sont différents, mais toujours en noir et blanc. Il faut bien comprendre qu’ils ne représentent qu’une toute petite partie de la lumière reçue, dans deux “couleurs” judicieusement choisies pour obtenir un contraste maximum parce que les “vraies couleurs” sont pratiquement indiscernables à l’œil.

L’équipe du télescope Mayall à Kitt Peak a choisi de combiner les clichés en attribuant une couleur orange à H-α et bleue à O-III pour faire plus joli, alors que Keith B Quattrocchi et Mel Helm ont choisi des couleurs violettes et vertes, ajoutant même un troisième filtre pour le Soufre-II.

De plus ils sont plus explicites sur la technique utilisée: ils ont pris au total 21 clichés de 20 minutes d’exposition, soit 7 heures pour chacun des 3 filtres. Les clichés ont été superposés avec CCD Stack, et MaxIm DL, puis un peu PhotoShopés quand même.

Voilà, votre nouveau fond d’écran astronomique est disponible en deux couleurs, et vous savez pourquoi.

—-

>> Article initialement publié sur le Blog de Dr Goulu, un blog du C@fé des sciences

>> Illustration FlickR CC-by-nc Rusty Mayhew

Retrouvez tous nos articles de la Une astronomie sur OWNI (Image de Une CC Elsa Secco)

- “L’astronomie amateur, la science populaire n’est pas qu’un loisir!

- “Sous deux soleils exactement

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Pourquoi vit-on dans un monde en 3D? http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/ http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/#comments Sun, 20 Feb 2011 08:57:57 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=47665
Article initialement publié sur le blog de Dr Goulu et repris sur OWNisciences

Illustration FlickR CC : Cayusa

[Liens en anglais, sauf mention contraire] Dans “Why are past, present, and future our only options?“, Dave Goldberg traite de la “question bête” d’un lecteur de son livre qui se demande à quoi ressemblerait l’univers si le temps avait plus d’une dimension, et plus généralement, si la vie serait imaginable dans un univers à N≠3 dimensions. Voici quelques idées qu’il y développe, additionnées des miennes sur ce sujet.

La vie dans un espace à 2 dimensions (+1 temps)  a été imaginée dès 1884 dans Flatland [fr], une allégorie purement géométrique dont a été tiré un film 2007 :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un siècle plus tard, A.K. Dewdney a traité de manière beaucoup plus “scientifique” la physique, la chimie et la biologie dans le Planivers, répondant au passage à une objection de Dave Goldberg : oui, il est possible de croiser deux fils dans le Planivers, comme indiqué ici, donc de réaliser des ordinateurs en 2D, comme le montre également le ”Jeu de la Vie” [fr] qui est une machine “Turing complète” [fr].

Un univers à N=1 dimension (+1 temps) n’est pas imaginable en physique, mais du point de vue artistique j’aime beaucoup ”la Linea” de mon enfance, un dessin animé minimaliste en “1½ D” avec interventions ponctuelles d’un Créateur tridimensionnelle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

À propos d’un univers à N=4 dimensions spatiales [fr] (+1 temps toujours), Dave Goldberg mentionne un fait que je n’avais pas réalisé : l’action des forces n’y diminue pas comme l’inverse du carré de la distance comme dans notre univers, mais comme l’inverse du cube de la distance. Ceci fait notamment qu’aucune planète à 4 dimensions ne peut décrire une orbite stable autour de son soleil hypersphérique. Le problème ne s’arrangeant pas en augmentant les dimensions il faut se rendre à l’évidence : un univers “fertile”, où la complexité peut se développer jusqu’à permettre des formes de vie ne peut avoir que N=3 dimensions, ou à la rigueur 2.

Plus une seule dimension de temps, toujours. Quelle que soit la “nature du temps” [fr] on n’y coupe pas : au niveau macroscopique bien décrit par la relativité d’Albert, le temps est décrit par une dimension imaginaire [fr], au sens mathématique des nombres complexes. Évidemment, sans temps un univers serait désespérément statique et sans intérêt.

Mais peut-on imaginer un temps à plus d’une dimension ? Mathématiquement ça ne pose pas trop de problèmes et les caractéristiques de tels univers ont été étudiées, notamment par Max Tegmark. Son très intéressant article soulève la difficulté majeure posée par un univers à plusieurs dimensions de temps :

Si un observateur est capable d’utiliser sa conscience de soi et des capacités de traitement de l’information, les lois de la physique doivent être telles qu’il puisse faire au moins certaines prédictions. Plus précisément, au sein du cadre d’une théorie des champs, en mesurant diverses valeurs de champ à proximité, il faut qu’il ait la possibilité de calculer les valeurs de champ à certains points plus éloignés de l’espace-temps (ceux se trouvant le long de la ligne de son monde à venir sont particulièrement utiles) avec une marge d’erreur finie. Si ce type de causalité bien définie était absente, alors non seulement il n’y aurait aucune raison pour que cet observateur ait une conscience de soi, mais il semble très peu probable que des systèmes de traitement de l’information tels que les ordinateurs ou le cerveau puissent exister.

Or justement cette prédictibilité n’apparaît que si les équations de champ suivent des équations différentielles partielles “hyperboliques”. Et Tegmark montre que ceci n’est le cas que dans les univers à une seule dimension de temps ou une seule dimension d’espace. S’il y en a plus, l’univers devient totalement imprévisible. Avec un temps à deux dimensions, il est par exemple impossible de donner un rendez-vous à quelqu’un, car si nous contrôlons nos déplacements dans l’espace et pouvons éventuellement les moduler de façon à nous retrouver à un certain moment t1 selon le “temps1″ à l’endroit convenu, nous n’aurions pas le moyen de gérer simultanément le “temps2″ : l’autre personne suivant une trajectoire dans l’espace-temps différente n’aurait aucun moyen d’arriver au rendez-vous à la fois à la même position spatiale et au même temps (t1,t2)

Le tableau suivant résume les caractéristiques des univers selon leurs dimensions spatiales et temporelles selon Tegmark :

Notre univers n’est donc pas le résultat d’une expérience menée par des êtres à 4 dimensions, ou de dieux pour lesquels notre temps ne serait qu’une dimension parmi beaucoup d’autres. Nous ne sommes pas manipulés comme “La Linea”, ça soulage…

Le tableau exhibe aussi une jolie symétrie entre dimensions spatiales et dimensions temporelles, ce qui laisse espérer un autres univers intéressant, notre “symétrique” à une dimension spatiale et “temps cubique”. Dans cet univers, la physique des particules n’autorise que l’existence de tachyons [fr], des particules très hypothétiques dans notre univers mais liées à la théorie des cordes, laquelle postule l’existence de dimensions ”bouclées” à très petite échelle en plus des dimensions spatiales. Dès qu’on vérifie leur existence expérimentalement j’écris un article là-dessus, promis.

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http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/feed/ 36
Pourquoi 3 dimensions + 1 temps? http://owni.fr/2011/02/17/pourquoi-3-dimensions-1-temps/ http://owni.fr/2011/02/17/pourquoi-3-dimensions-1-temps/#comments Thu, 17 Feb 2011 08:21:18 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=34104 Dans “Why are past, present, and future our only options?“, Dave Goldberg traite de la “question bête” d’un lecteur de son livre qui se demande à quoi ressemblerait l’univers si le temps avait plus d’une dimension, et plus généralement, si la vie serait imaginable dans un univers à N?3 dimensions. Voici quelques idées qu’il y développe, additionnées des miennes sur ce sujet.

La vie dans un espace à 2 dimensions (+1 temps)  a été imaginée dès 1884 dans “Flatland” , une allégorie purement géométrique dont a été tiré un film en 2007 :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un siècle plus tard, A.K. Dewdney a traité de manière beaucoup plus “scientifique” la physique, la chimie et la biologie dans le “Planivers” , répondant au passage à une objection de Dave Goldberg: oui, il est possible de croiser deux fils dans le Planivers, comme indiqué ici, donc de réaliser des ordinateurs en 2D, comme le montre également le ”Jeu de la Vie” qui est une machine “Turing complète

Un univers à N=1 dimension (+1 temps) n’est pas imaginable en physique, mais du point de vue artistique j’aime beaucoup ”la Linea” de mon enfance, un dessin animé minimaliste en “1½ D” avec interventions ponctuelles d’un Créateur tridimensionnel :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

A propos d’un univers à N=4 dimensions spatiales (+1 temps toujours), Dave Goldberg mentionne un fait que je n’avais pas réalisé : l’action des forces n’y diminue pas comme l’inverse du carré de la distance comme dans notre univers, mais comme l’inverse du cube de la distance. Ceci fait notamment qu’aucune planète à 4 dimensions ne peut décrire une orbite stable autour de son soleil hypersphérique. Le problème ne s’arrangeant pas en augmentant les dimensions il faut se rendre à l’évidence : un univers “fertile”, où la complexité peut se développer jusqu’à permettre des formes de vie ne peut avoir que N=3 dimensions, ou à la rigueur 2.

Plus une seule dimension de temps, toujours. Quelle que soit la “nature du temps” on n’y coupe pas : au niveau macroscopique bien décrit par la relativité d’Albert, le temps est décrit par une dimension imaginaire, au sens mathématique des nombres complexes. Évidemment, sans temps un univers serait désespérément statique et sans intérêt.

Mais peut-on imaginer un temps à plus d’une dimension ? Mathématiquement ça ne pose pas trop de problèmes et les caractéristiques de tels univers ont été étudées, notamment par Max Tegmark. Son très intéressant article soulève la difficulté majeure posée par un univers à plusieurs dimensions de temps :

Si un observateur est capable d’utiliser sa conscience de soi et des capacités de traitement de l’information, les lois de la physique doivent être telles qu’il puisse faire au moins certaines prédictions. Plus précisément, au sein du cadre d’une théorie des champs, en mesurant diverses valeurs de champ à proximité, il faut qu’il ait la possibilité de calculer les valeurs de champ à certains points plus éloignés de l’espace-temps (ceux se trouvant le long de la ligne de son monde à venir sont particulièrement utiles) avec une marge d’erreur finie. Si ce type de causalité bien définie était absente, alors non seulement il n’y aurait aucune raison pour que cet observateur ait une conscience de soi, mais il semble très peu probable que des systèmes de traitement de l’information tels que les ordinateurs ou le cerveau puisse exister.

Or justement cette prédictibilité n’apparaît que si les équations de champ suivent des équations différentielles partielles “hyperboliques”. Et Tegmark montre que ceci n’est le cas que dans les univers à une seule dimension de temps ou une seule dimension d’espace. S’il y en a plus, l’univers devient totalement imprévisible. Avec un temps à deux dimensions, il est par exemple impossible de donner un rendez-vous à quelqu’un, car si nous contrôlons nos déplacements dans l’espace et pouvons éventuellement les moduler de façon à nous retrouver à un certain moment t1 selon le “temps1″ à l’endroit convenu, nous n’aurions pas le moyen de gérer simultanément le “temps2″ : l’autre personne suivant une trajectoire dans l’espace-temps différente n’aurait aucun moyen d’arriver au rendez-vous à la fois à la même position spatiale et au au même temps (t1,t2)

Le tableau suivant résume les caractéristiques des univers selon leurs dimensions spatiales et temporelles selon Tegmark :

Notre univers n’est donc pas le résultat d’une expérience menée par des êtres à 4 dimensions, ou de dieux pour lesquels notre temps ne serait qu’une dimension parmi beaucoup d’autres. Nous ne sommes pas manipulés comme “La Linea”, ça soulage…

Le tableau exhibe aussi une jolie symétrie entre entre dimensions spatiales et dimensions temporelles, ce qui laisse espérer un autres univers intéressant, notre “symétrique” à une dimension spatiale et “temps cubique”. Dans cet univers, la physique des particules n’autorise que l’existence de tachyons, des particules très hypothétiques dans notre univers mais liées à la théorie des cordes, laquelle postule l’existence de dimensions ”bouclées” à très petite échelle en plus des dimensions spatiales. Dès qu’on vérifie leur existence expérimentalement j’écris un article là dessus, promis.

>> Article initialement publié sur le blog de Dr Goulu

>> Illustration FlickR CC : Cayusa

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Questions de Miroir http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/ http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/#comments Wed, 08 Dec 2010 17:38:00 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33532 Titre initial : MIROIR | ?IO?IM

Pourquoi un miroir inverse-t-il la gauche et la droite et pas le haut et le bas ?
Cette question « bête » en soulève deux autres moins triviales :

  • comment marche un miroir ?
  • comment définir la « gauche » et la « droite » ?

Un miroir réfléchit simplement la lumière en n’inversant rien du tout : en face d’un miroir, la lumière issue de votre main droite rebondit sur le miroir et arrive à vos yeux par la droite. La lumière venant de vos pieds vous parvient de même par le bas : tout est à sa place. Tout, sauf la « profondeur » : c’est en fait la distance des objets au miroir qui est « inversée », autrement dit « l’avant » et « l’arrière » [1].

Notre image dans un miroir est donc « retournée comme un gant » : un gant droit retourné devient un gant gauche, comme nos mains dans le miroir [2].
Même si nous nous regardons dans des miroirs artificiels ou naturels depuis pas mal de milliers d’années, nous avons toujours de la peine à comprendre que la symétrie ne correspond pas à une rotation (sauf dans un espace de dimension supérieur, comme le note  Xochipilli dans son très chouette article [1] ). Ce fait bien connu des joueurs de Tetris n’empêche pas certaines de tenter avec obstination d’orienter leurs mèches de cheveux à gauche ou à droite alors que personne ne les verra jamais comme elles se voient dans un miroir…

Ce qui nous amène à la seconde partie de la question : les notions de « gauche » et de « droite » ont-elles une réalité physique ? Autrement dit, existe-t-il des objets ou phénomènes dont l’image dans un miroir serait impossible ?

On pense tout de suite à l’écriture : un texte vu dans un miroir est illisible, ou du moins pas facilement. Mais ce n’est qu’une question de convention : on aurait très bien pu écrire de droite à gauche comme certaines langues, en utilisant des lettres « retournées »  comme dans cette jolie affiche:

Du russe ou du ?IO?IM ?, crédit

Comment expliquer la gauche et la droite aux extraterrestres ?

Page 15 du message de Dutil et Durand. Le message de paix pourrait-être lu à l'envers

La question de la transmission de cette convention est d’ailleurs un problème intéressant :  les messages que certains ont envoyé aux extra-terrestres [2] (une grave erreur) sont composés de bits que les destinataires sont censés assembler en lignes et en colonnes pour produire des images en noir et blanc. Comment leur dire que les points doivent être disposés de gauche à droite plutôt que de droite à gauche ?

(On admet qu’on ne dispose pas de points de repère communs avec les extra-terrestres, sinon ça serait trop simple… Disons qu’ils vivent sous une couverture nuageuse perpétuelle et ne connaissent rien à l’astronomie …)

Cette question est équivalente à celle posée plus haut : il suffirait de décrire dans le message un objet ou un phénomène physique dont l’image dans un miroir ne peut pas exister dans la réalité .

Il existe bien quelques objets déroutants en version « miroir », comme les tire-bouchons « tourne à gauche »  vendus dans les farces et attrapes, mais ils sont tous aussi possibles à réaliser que leur version « normale ».

Une molécule chimique ? Il en existe beaucoup qui ont une forme différente de leur image dans le miroir. Par exemple le sucre existe sous forme de dextrose qui fait tourner le plan de polarisation de la lumière à droite et sous sa forme énantiomère lévogyre. La chiralité des molécules détermine donc parfois leur propriétés physiques, mais …  tout reste cohérent vu dans un miroir.

Les effets de ces molécules peuvent être très différents selon leur forme dans le miroir : la catastrophe de la thalidomide est due à l’énantiomère d’un bête calmant, et la L-métamphétamine débouche juste le nez,  alors que  la D-métamphétamine a d’autres effets…

D-méthamphétamine / L-méthamphétamine

La raison de ceci est que ces molécules interagissent différemment avec les molécules de notre organisme, qui ont elles-mêmes une certaine géométrie plutôt que leur image dans le miroir. Ainsi les êtres vivants sur Terre produisent ou consomme beaucoup plus de D-glucose (ou dextrose) que de L-glucose, et  l’ADN présent dans tous les être vivants à la forme d’une double hélice tournant dans à droite. Mais il n’y a pas de raison fondamentale à ceci : la vie a probablement « préféré » une forme plutôt qu’une autre à ses débuts, et cette « brisure de symétrie » s’est propagée par contagion, mais il une biochimie « dans le miroir » est parfaitement cohérente.

L’électromagnétisme alors ?  Si on fait passer un courant électrique dans une bobine, on crée un champ magnétique avec un pôle Nord et un pôle Sud. Si la bobine est bobinée à l’envers, les pôles Nord et Sud sont inversés.

Oui… mais les notions de pôles magnétiques « Nord » et « Sud » sont tout à fait conventionnelles (jusqu’à ce qu’on trouve des monopôles magnétiques).

Combien de fêlures dans les miroirs de la physique ?

Jusqu’en 1956,  l’Univers observé dans un miroir était parfaitement cohérent. De fait, 3 des 4 forces fondamentales ont une « Symétrie-P » ou « Parité » parfaite. Mais en 1956,  une dame démontra une violation de parité concernant la 4ème force, l’interaction faible. Lors de désintégration ? d’un noyau de Cobalt 60, un électron est émis dans une direction aléatoire. Mais il y en a statistiquement 1 sur un million de plus qui part dans la direction opposée à celle du spin du noyau que dans la direction du spin (le spin indique le sens de rotation du noyau). En regardant l’expérience dans un miroir le spin change de sens et l’électron irait très légèrement plus souvent dans la direction du spin, ce qui est contraire à l’expérience. L’interaction faible « préfère » très légèrement la rotation à gauche et  on pourrait donc expliquer aux extraterrestres notre convention gauche/droite en leur transmettant ce dessin:

Mais si par malheur nos extraterrestres vivent dans une Galaxie (hypothétique) formé d’antimatière, on a un gros problème : l’antimatière peut également être considérée comme « vue dans un miroir ». Chaque particule de la physique possède son antiparticule dont toutes les caractéristiques sont les mêmes sauf la charge électrique, qui est inversée. Le « miroir » de la « Symétrie C » (C comme charge) est très semblable à celui de la symétrie P : toute la physique et la chimie est parfaitement identique avec de l’antimatière qu’avec de la matière, sauf pour l’interaction faible, exactement comme ci-dessus.

Autrement dit, si nos extraterrestres font l’expérience avec un noyau de ce que nous appellerions de l’anti-Cobalt 60 et observent la direction d’émission du positron, tout marchera parfaitement bien mais ils comprendront absolument tout à l’envers : la gauche et la droite, le signe des charges électriques, les pôles Nord/Sud magnétiques etc. Et la rencontre des deux civilisations fera des étincelles

Le problème est que notre dessin implique en fait 2 miroirs, le C et le P qui inversent tous deux de la même manière l’expérience, et comme chacun sait, si on regarde notre reflet dans un miroir à l’aide d’un autre miroir, tout se remet en place.

On appelle « Symétrie CP » l’image de l’Univers qu’on obtient en inversant à la fois la gauche et la droite et les charges électriques, et cette symétrie était parfaite. Mais dans les années 1960, on a découvert une très légère brisure de la symétrie CP : la transformation d’un kaon en antikaon est 1 milliardième de fois  plus rare que la transformation d’un antikaon en kaon.

Cette nanoscopique (10-9) fêlure a une conséquence pratique assez importante: nous existons.

En effet, c’est la violation de la symétrie CP qui fait que le Big Bang a eu la bonne idée de produire un milliardième de plus de matière « normale » que d’antimatière, et c’est ce milliardième qui ne s’est pas annihilé avec l’antimatière qui constitue tout ce qui nous entoure, sans quoi il n’y aurait pas eu grand chose après « que la lumière soit ».

Comment transformer une caméra vidéo en miroir temporel

Réponse : c’est très facile et amusant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Même un extra terrestre très différent de nous devinerait assez vite qu’il regarde le film à l’envers parce que beaucoup de phénomènes macroscopiques ont une préférence pour le futur. Ce n’est pas le cas à petite échelle : toutes les interactions entre particules peuvent se produire « en sens inverse » : la mécanique quantique possède une « symétrie T » que l’on retrouve dans les diagrammes de Feynman dont Benjamin a causé ici.

Voici donc un troisième miroir légèrement imparfait, qui peut se combiner avec les autres ! D’ailleurs, pour réaliser le film ci-dessus, je suppose que la demoiselle qui va « à l’endroit » regarde dans un miroir pour marcher à l’envers sans se heurter à la foule. En quelque sorte, la symétrie PT a permis de rendre le film plus réaliste que la symétrie T ne l’aurait permis.

Mais à propos… pour la violation de la symétrie CP on a dit que la transformation d’un kaon en antikaon plus rare que son contraire, mais si on passe le film de l’expérience à l’envers ? On verra plus de kaons se transformer en antikaons, donc l’Univers observé dans les trois miroirs C,P et T sera parfaitement cohérent avec les observations dans l’Univers « normal ».

La « symétrie CPT » est aujourd’hui considérée comme une loi fondamentale de la physique car c’est une des rares qui soit compatibles à la fois avec la mécanique quantique et la théorie de la relativité via le principe d’invariance de Lorentz. Mathématiquement, on a même réussi à montrer que la symétrie T était identique à la symétrie CP et donc que toute violation de la symétrie CP devait causer une violation de T équivalente, et vice-versa.

Les conséquences de la symétrie CPT

Avertissement : dans ce paragraphe, je m’avance un peu en terrain dangereux, mais c’est pour mieux vous faire réagir si vous maitrisez le sujet mieux que moi …

Une conséquence fondamentale de la symétrie CPT est qu’il est impossible de distinguer:

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui suivrait la même trajectoire entre A et B, filmée dans un miroir, et dont on passe le film à l’envers (où on la verrait donc aller de B en A)

Si on suppose que le temps existe comme une 4ème dimension, on peut aller un peu plus loin en disant que ces deux observations sont parfaitement indiscernables :

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui remonte le temps entre B et A, vue dans un miroir.

Donc lorsqu’on reçoit par exemple un rayon cosmique sous forme d’un antiproton à haute énergie, ne devrait-on pas vérifier s’il ne s’agirait pas d’un proton généré par un événement futur et qui remonte le temps? Est-ce que des installations comme l’observatoire Pierre Auger ont un « miroir » permettant d’observer la brisure de symétrie P qui distingue les deux cas ?

Dans le même ordre d’idée, l’effet Casimir est décrit par des phénomènes quantiques représentés par des diagrammes de Feynman ressemblant à la figure ci-dessous, et qui surviennent des milliards de fois chaque seconde dans chaque millimètre cube de vide de tout l’Univers…

La lecture classique est que 2 particules virtuelles, dont l’une est l’antiparticule de l’autre apparaissent spontanément par les fluctuations quantiques du vide, et leur annihilation mutuelle un court instant plus tard restitue « l’énergie du vide » empruntée par les particules.

Mais là aussi, je me demande comment distinguer cette interprétation de celle d’une particule tournant « en rond » dans le temps : pendant sa phase de retour dans le passé, la particule nous apparait exactement comme son antiparticule allant vers le futur … Existe-t-il une expérience permettant de vérifier la symétrie P du phénomène pour exclure cette interprétation ?

Références:

  1. « Jeu de réflexion » sur le Webinet des Curiosités
  2. Michel Thévoz L‘homme retroussé
  3. Message de Dutil et Dumas sur Astrosurf
  4. « La chimie prébiotique » sur Astrosurf
  5. Tom Roud Symétries I : de l’importance des symétries en physique
  6. Tom Roud Symétrie II : Groupes de symétries
  7. Tom Roud Symétries III : symétrie miroir, vecteurs et brisure de symétrie

>> Illustrations GNU Wikipédia : Public Domain et Creative Commons by-sa HB, FlickR CC : wokka, blentley, Profound Whatever et Loguy pour OWNI

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

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http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/feed/ 5
La reconnaissance vocale est morte : pet à son âme http://owni.fr/2010/11/10/la-reconnaissance-vocale-est-morte-pet-a-son-ame/ http://owni.fr/2010/11/10/la-reconnaissance-vocale-est-morte-pet-a-son-ame/#comments Wed, 10 Nov 2010 15:04:45 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33275 D’après “2001 l’Odyssée de l’Espace”, nos ordinateurs devraient comprendre notre voix depuis 9 ans. Depuis 1997, on trouve des logiciels de reconnaissance vocale pour PC, et depuis peu nos téléphones disposent de cette fonction. Mais on ne l’utilise pas. Je ne connais personne qui dicte ses e-mails, et vous ?

Comme tous les geeks j’ai essayé de temps en temps, parfois passé une heure à lire des textes d’apprentissage de la voix la plus monocorde possible à la nouvelle version d’un soft, et puis abandonné devant ses piètres performances. Ça ne marche pas, ou pas assez bien.

Robert Portner analyse cet échec dans ”Rest in Peas: The Unrecognized Death of Speech Recognition“, titre subtilement traduit en français dans le présent article.

Le problème, c’est qu’après une phase de progrès rapides à la fin du siècle passé, le taux d’erreur de mots plafonne à 10% depuis 2001, soit environ le triple du taux d’erreur d’un être humain. Et encore, c’est pour l’anglais “standard”. Le taux d’erreur est bien plus élevé pour d’autres langues, et catastrophique pour une conversation entre supporters de foot à la sortie du match. (Voir l’évolution du taux d’erreur de mots du National Institute of Standards and Technology).

Pourtant dans les années 1990, des systèmes très fiables avaient été mis au point pour distinguer quelques mots bien choisis dans des cockpits d’avion ou des chiffres au téléphone, et on s’était légitimement attendus à ce que la Loi de Moore permette de traiter rapidement le langage naturel.

Et effectivement, aujourd’hui on sait bien reconnaitre des mots isolés. On sait à peu près éliminer les absurdités non conformes à la grammaire dans des phrases simples comme “le chat ment je la sous rit.” Mais pour distinguer entre “le chas mange la souris”, ”le chat mange là, sous l’riz” et  ”le chaman gela, sourit” et , il faut comprendre le sens de la phrase, voire le contexte dans lequel elle est prononcée…

Si l’ordinateur doit connaitre la différence entre un quadrupède carnivore et le trou d’une aiguille pour traiter une phrase triviale, on imagine que ce n’est pas demain qu’on dictera des contrats* ou des rapports à une machine.  De gros projets ont été lancés par des poids lourds de l’informatique pour tenter de modéliser la connaissance humaine.

Par exemple le projet MindNet de Microsoft a analysé des millions de pages de textes existants pour construire un graphe sémantique gigantesque, duquel il ressort effectivement que dans une phrase comportant “chat” et “souris”, le plus probable est que le chat chasse la souris. Un tel graphe peut certainement être utile en traduction automatique car on dispose d’un texte de départ, mais pour la reconnaissance vocale il faudrait étendre le graphe à la structure des phrases utilisées en conversation courante, qui peut être bien distincte du langage écrit. Et pour faire ça automatiquement, il faudrait la reconnaissance vocale…

Comme le note Portner, on pensait au début que la reconnaissance vocale était un premiers pas vers l’intelligence artificielle. Aujourd’hui de nombreux chercheurs estiment que l’intelligence artificielle est indispensable pour atteindre une reconnaissance vocale de qualité acceptable. Les gros projets de recherche ont été abandonnés les uns après les autres, bloqués devant le mur si bien décrit par les Perlisismes sur l’intelligence artificielle comme :

“Une année de travail sur l’intelligence artificielle est suffisante pour vous faire croire en Dieu”

Le nombre de recherches sur “reconnaissance vocale” ou “Dragon Naturally Speaking” sur Google baisse régulièrement depuis 2001. Comme aucune  idée fondamentalement nouvelle ne vient relancer la recherche, la reconnaissance vocale est morte, en toute discrétion.

Note : Ça me rappelle l’histoire de la secrétaire d’un célèbre ingénieur de la génération dictaphone qui avait commandé “310 mètres d’isolation entre 2 étages” au lieu de “3 centimètres” . Ça c’est avec les 2% d’erreurs de transcription humaines…

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

>> Illustrations FlickR CC : TruShu et Loguy en CC pour OWNIsciences

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