#Datajournalism: géolocalisons les votes et les bureaux de vote !

Le 8 février 2010

[...] Parce qu'il est inadmissible que des acteurs privés et associatifs dépensent des centaines d'heures et des milliers d'euros pour mettre en forme des données publiques et les redistribuer à tous, nous lançons un appel à tous ceux qui veulent nous rejoindre : particuliers, associations, élus, entreprises, médias,... [...] Cela constituera un grand pas vers la libération des données publiques. Et sans doute un grand pas également en termes de journalisme innovant.

En décembre dernier, nous avons pris l’initiative de localiser sur une carte chacun des bureaux de vote français. Facile, pensait-on alors naïvement : ces données sont publiques, elles sont publiées depuis le mois d’août 2009 au recueil des actes administratifs de chaque département, et ce dans un format relativement accessible (‘ville – adresse du bureau’).

Cela ne devait donc pas nous prendre trop de temps, mais nous avions oublié de compter avec le fonctionnement de l’administration. Nous avions déjà rencontré des difficultés à discuter format de données avec l’Etat. A l’époque, on nous répondait simplement qu’ils l’avaient pas “en format ordinateur” (sic).

Aujourd’hui, l’administration a appris à se servir des e-mails, mais les données qu’on nous envoie restent souvent inexploitables.

Ici, un fonctionnaire A a créé un fichier Word qu’il a ensuite imprimé. B l’a ensuite récupéré, a écrit le numéro de l’arrêté préfectoral correspondant et a ajouté ‘modifié‘ à la main. Un employé C l’a ensuite tamponné et signé. Nous avons enfin eu affaire au quatrième D, qui a consciencieusement scanné ce document de travers avant de nous l’envoyer par mail…

En plus de passer des heures au téléphone pour obtenir ces documents pourtant publics, il nous faut à présent décoder le matériel que daignent nous envoyer les préfectures. 22mars et les équipes d’Owni ont déjà passé plus de 200 heures à chercher, compiler et mettre en forme ces données. A peine la moitié du boulot est fait.

De son côté, le collectif Regards Citoyens a travaillé sur l’évaluation du redécoupage de la carte électorale des législatives. Ne voyant sortir aucune étude indépendante de l’impact politique de la réforme du gouvernement, les créateurs de NosDéputés.fr ont décidé de projeter les résultats de 2002 et 2007 sur la carte proposée pour 2012. Ils ont récupéré les résultats de ces élections bureau de vote par bureau de vote puis ont attribué ces résultats aux nouvelles circonscriptions. Pour un certain nombre de très grandes villes elles-mêmes découpées en circonscriptions, il leur a fallu géolocaliser un certain nombre de bureaux afin de savoir à quelle circonscription les attribuer.

Après 3 mois de travail bénévole, la constitution d’une base de données de plus d’un million d’enregistrements, des prises de contact avec une cinquantaine de mairies et la localisation de 1400 bureaux de vote, l’étude a pu être publiée quelques jours avant le rejet du texte au Sénat. Suite à l’organisation de l’Open Data Camp, Regards Citoyens était déjà en contact avec la NetScouade (entre autres à l’origine de la DémoCarte) qui s’intéressait également à ce sujet.

Nous avons donc décidé d’unir nos forces plutôt que de dupliquer le travail en agissant chacun dans notre coin. Ensemble, nous voulons construire une base de données de tous les bureaux de vote, leurs coordonnées et l’historique de leurs votes. Cette base pourra ensuite être réutilisée par tout un chacun : les partis politiques, les chercheurs, les médias, les citoyens…

Et nous comptons bien inciter un maximum d’initiatives à voir le jour pour se saisir de ces données et en faire jaillir du sens, des visualisations et des outils interrogeables par tous. Nous espérons démontrer ainsi par la pratique que la libération des données publiques crée de la valeur et libère l’innovation. Malgré les moyens engagés par le collectif dans cet effort, il nous faut encore :

» Obtenir les adresses des bureaux de votes des préfectures récalcitrantes ;
» Structurer les documents envoyés par les préfectures ;
» Géocoder les adresses reçues (pas facile quand la préfecture nous indique que le bureau se trouve dans la “nouvelle salle de l’ex-presbytère“) ;
» Associer les adresses des bureaux à la base de données des résultats électoraux.

Parce qu’il est inadmissible que des acteurs privés et associatifs dépensent des centaines d’heures et des milliers d’euros pour mettre en forme des données publiques et les redistribuer à tous, nous lançons un appel à tous ceux qui veulent nous rejoindre : particuliers, associations, élus, entreprises, médias, …

Participer à ce projet, ce n’est pas simplement localiser des bureaux de votes. C’est faire prendre conscience à l’administration que les données dont elle dispose doivent être redistribuées dans un format standardisé, lisible à la fois par des humains et par des machines. Cela constituera un grand pas vers la libération des données publiques. Et sans doute un grand pas également en termes de journalisme innovant.

» Photo d’illustration de page d’accueil par Dean Terry sur Flickr

» Photo d’illustration pdinnen sur Flickr

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